Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/161

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pointements parmi les jeunes gens de Leaphigh. Il en était résulté des procès très-sérieux, et deux grands partis politiques s’étaient formés par suite de la malheureuse méprise d’un jeune Monikin de qualité, qui bégayait et qui se trompa de mot. Par bonheur, cette querelle était terminée à présent, et elle n’avait duré qu’un siècle ; mais je fis sentir qu’il serait prudent, attendu que nous étions tous trois garçons, d’avoir grand soin de ne pas aller faire quelque méprise. Le capitaine Poke dit qu’il était bien tranquille, vu qu’il avait dans son vocabulaire de marin un mot dont la prononciation était à peu de chose près la même ; qu’au reste, le mieux serait d’aller devant quelque consul, dès que le navire aurait jeté l’ancre, et de protester solennellement de notre ignorance complète de toutes ces délicatesses, de peur que quelque reptile d’avocat ne voulût nous subtiliser ; que, quant à lui, il n’était pas garçon, et que miss Poke serait aussi furieuse qu’une bourrasque, si par mégarde il venait à s’oublier. La suite de la délibération fut remise à un autre jour.

Vers la même époque, j’eus quelques conversations intéressantes avec le docteur Reasono, relativement à l’histoire secrète de la petite société dont il était le principal membre. Il paraîtrait que le philosophe, quoique riche en science, et propriétaire de l’une des caudœ les mieux développées de tout le monde monikin, n’était pas très-bien pourvu du côté des attributs plus vulgaires de la fortune. Tandis qu’il répandait à pleines mains les trésors de la philosophie sur tous ses semblables, par l’intermédiaire de l’académie de Leaphigh, il s’était vu obligé de chercher un récipient spécial pour le surplus de son savoir, sous la forme d’un élève, afin de pourvoir aux besoins de ce qui restait encore en lui des parties animales. Lord Chatterino, l’héritier orphelin de l’une des plus nobles, des plus riches, et en même temps des plus anciennes familles de Leaphigh, avait été confié très-jeune à ses soins ; en même temps que lady Chatterissa avait été mise sous la tutelle de mistress Lynx, et cela par le même motif. Deux jeunes gens, si bien faits l’un pour l’autre, qui se distinguent également par leurs grâces et par leur amabilité, par l’harmonie de leurs pensées et par l’excellence de leurs principes, ne pouvaient se rencontrer impunément dans la société. Une douce flamme s’alluma dans le cœur de vestale de Chatterissa, et elle trouva de l’écho dans le cœur ardent et sensible du jeune n° 8 pourpre. Dès que leurs amis