Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/214

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Le capitaine écouta mes remontrances avec l’attention convenable ; il parut même entrer dans mes sentiments. Il convint franchement que le docteur Reasono ne m’avait pas bien traité, et il sembla croire qu’une conversation particulière avec lui pourrait le déterminer à présenter les faits sous un jour plus raisonnable. Mais il se déclara fortement contre tout appel soudain à l’opinion publique et à la justice, et contre une protestation devant un notaire. Voici à peu près quelles furent ses observations sur ce sujet.

Il ne savait pas, dit-il, quelle était la loi sur les protestations à Leaphigh, et il pourrait se faire que nous eussions à payer de gros honoraires et à dépenser beaucoup d’argent sans en retirer aucun profit. D’ailleurs le docteur était un philosophe, un individu en grand crédit, et qui venait d’être élevé au plus haut grade dans l’académie. Ce serait donc un adversaire redoutable en tout pays, et surtout en pays étranger. Il avait une répugnance naturelle pour les procès. La perte de mon rang était sans doute un désagrément, mais il était possible de le supporter. Quant à lui, il n’avait jamais sollicité la place de grand-amiral de la Grande-Bretagne ; mais comme elle lui avait été jetée à la tête, il ferait de son mieux pour en soutenir la dignité. Il savait que ses amis de Stonington seraient charmés d’apprendre sa promotion ; car, quoi qu’il n’y eût dans son pays ni lords ni même amiraux, les Américains étaient toujours enchantés quand un de leurs compatriotes était élevé à ce grade par d’autres que par eux, semblant croire qu’un honneur accordé à l’un d’eux rejaillissait sur toute la nation. Or il aimait à faire honneur à sa nation, parce que nul peuple sur la terre ne savait en faire si bon usage que ses concitoyens ; car chacun d’eux en prenait sa part en ayant pourtant soin d’en laisser quelque chose dans les premières mains. Il était donc disposé à en conserver autant qu’il le pourrait. Il croyait être aussi bon marin que la plupart des lords grands amiraux qui l’avaient précédé ; et il n’avait aucune crainte à cet égard. Il voudrait savoir si sa promotion ferait de miss Poke une lady grande-amirale. Comme je paraissais très-mécontent d’avoir perdu mon rang, il me nommerait son chapelain ; — car il ne me croyait pas propre à être un officier de marine ; — et j’avais sûrement assez de crédit à la cour pour faire confirmer ma nomination. Un grand homme d’état de son pays avait dit que très