Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/260

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L’avocat du prisonnier, comme Dandin dans les Plaideurs de Racine, parut disposé à passer par-dessus le déluge, et à entrer sur-le-champ dans le fond de son sujet. Il commença par passer en revue les prérogatives royales, et par faire la définition du mot régner. D’après le dictionnaire de l’Académie de Leaphigh, il démontra clairement que régner n’était pas autre chose que gouverner en souverain, tandis que gouverner, dans la signification ordinaire de ce terme, était gouverner au nom d’un prince, ou comme son substitut. Ayant ainsi établi sa position, il dit que le plus pouvait contenir le moins, mais qu’il était impossible que le moins contînt le plus ; que le droit de régner ou de gouverner, dans la signification générale de ce dernier mot, devait renfermer tous les attributs légaux de celui qui gouvernait seulement dans l’acception secondaire de cette expression, et que par conséquent le roi non seulement régnait, mais gouvernait. Il démontra ensuite que la mémoire était indispensable à celui qui gouvernait ; car sans mémoire il ne pourrait se rappeler les lois, ni répartir convenablement les peines et les récompenses, ni faire aucun acte dépendant de l’intelligence. On disait que, d’après la loi du pays, la conscience du roi était sous la garde de son cousin germain ; le roi devait donc avoir une conscience, car on ne peut mettre sous la garde de personne ce qui n’existe pas. Ayant une conscience, il s’ensuivait, ex necessitate rei, qu’il devait avoir tous les attributs d’une conscience, et la mémoire en était un des traits des plus essentiels. On définissait la conscience la faculté par laquelle nous jugeons si nos actions sont bonnes ou mauvaises ; voyez le Dictionnaire de Johnson, lettre G, page 163, édition de Rivington. Or, comment pouvait-on juger si ses actions ou celles de toute autre personne étaient bonnes ou mauvaises, si on ne les connaissait pas ? et comment pouvait-on connaître le passé, si l’on était privé de la faculté de la mémoire ?

— D’une autre part, continua-t-il, c’était un corollaire politique des institutions de Leaphigh, que le roi ne pouvait mal faire…

— Pardon, dit le président, en l’interrompant, ce n’est pas un corollaire, c’est une proposition, une proposition que nous regardons comme démontré ; c’est la loi suprême du pays.

— Je vous remercie, Milord, reprit le brigadier, votre autorité rend ma démonstration d’autant plus forte. Il est donc établi par