Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas de « Rex versus Noé Poke, » la cour a ordonné que la peine de la décaudisation aurait la priorité sur celle de la décapitation. La sentence a été signifiée et exécutée. Le condamné a perdu sa queue, et par conséquent sa raison. Tout être privé de raison a toujours été regardé comme étant non compos mentis, et la loi du pays ne permet pas qu’il perde ni la vie ni un membre.

— Votre argument est plausible, dit le président ; mais la cour doit avoir la preuve des faits. Aux assises prochaines, vous serez peut-être préparé…

— Je prie la cour de faire attention que c’est un cas qui n’admet pas un délai de trois mois.

— Nous pouvons décider le principe dans un an aussi bien qu’en ce moment. D’ailleurs, nous avons siégé aujourd’hui plus longtemps qu’il n’est ordinaire, agréable et commode, dit le président en regardant à sa montre.

— Mais, Milord, j’ai la preuve en main. Voici un témoin qui déposera qu’il a vu la queue de Noé Poke séparée de son corps.

— Un avocat qui a votre expérience, dit le président, ne peut ignorer que la cour des douze Juges n’admet de preuve que par acte de notoriété. Si vous en aviez un qui fût prêt, nous pourrions peut-être trouver le temps de l’examiner avant de lever la séance, mais, dans la situation présente des choses, l’affaire doit être ajournée.

Une sueur froide me tombait du front, car je sentais l’odeur du poil brûlé, et dès qu’on en aurait recueilli les cendres, qu’on les aurait jetées au visage de Noé, et qu’on aurait coupé sa queue en quatre morceaux, la sentence de la décapitation serait exécutée sans plus de délai. Mais Downrigth n’était pas un avocat à se laisser déconcerter par un tel obstacle. Saisissant un papier fort bien écrit qui se trouvait sur le bureau devant lui, il le prit en main, et lut sans hésiter ce qui suit :

« Regina versus Noé Poke,
Royaume de Leaphigh, saison des noisettes, quatrième jour

de la lune.

« Est comparu en sa propre personne, devant moi, Méditation, président de la cour du banc du roi, John Goldenealf, baronnet du royaume de la Grande-Bretagne, lequel, après serment dûment