Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/317

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— Sans aucun doute, les hommes manœuvrent mieux ; mais vous approfondirez ce sujet au grand conseil. Peut-être trouvez-vous étrange que les faits conservent une marche ascendante en ayant un adversaire aussi puissant que l’opinion ; mais il faut vous rappeler que si la grande majorité de notre population, étant purement adonnée à la pratique, n’est pas tout à fait au niveau des circonstances, elle en est cependant beaucoup moins éloignée que ne le sont les endoctrinés. Ces derniers fatiguant et trompent sans faire de contre-poids.

— Pour en revenir à M. Wriggle, sa secte est-elle nombreuse ?

— Elle prospère surtout dans les villes. Leaplow aurait grand besoin d’une capitale qui offrirait un point de réunion aux êtres que distinguent leur instruction, une éducation plus soignée et l’aménité de leurs mœurs ; placés par leurs goûts et leurs habitudes au-dessus des penchants et des sentiments du vulgaire, ils pourraient donner à l’esprit public une direction plus salutaire, plus indépendante, meilleure enfin que celle qui domine à présent. Dans la position actuelle, la véritable élite de la nation est tellement dispersée, que loin de donner l’impulsion, c’est elle plutôt qui la reçoit. Les Wriggles de Leaplow sont, comme vous venez d’en être le témoin, égoïstes et cherchant avant tout à satisfaire leur vanité personnelle ; d’une susceptibilité excessive lorsqu’il s’agit du mérite de quelque perfection qui se trouve dans le cercle qu’ils ont parcouru, ils dénigrent avec fureur tous ceux qu’ils croient moins fortunés qu’eux-mêmes.

— Bon Dieu ! brigadier, — tout ceci sent terriblement l’humanité.

— Est-ce vrai ? — Bien vrai. — Eh bien ! il en est ainsi chez nous Monikins. Nos Wriggles rougissent justement de cette partie de la population dont ils auraient le plus de motifs de s’enorgueillir, c’est-à-dire de la masse ; et ils sont fiers de la portion dont ils devraient rougir, c’est-à-dire d’eux-mêmes. Mais nous aurons de fréquentes occasions de revenir sur cet objet ; à présent, il faut tourner nos pas vers l’auberge.

Comme le brigadier ne paraissait pas envisager le sujet de sang-froid, je gardai le silence, et je le suivis en marchant aussi vite qu’il me fut possible ; mais le lecteur peut être sûr que je ne cessai pas un instant de faire usage de mes yeux. Une chose entre autres me frappa dans cette singulière ville, — toutes les maisons