Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/345

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vivre neuf ans sous une éclipse, c’était tout à fait hors de question. Les plus longues éclipses de Stonington duraient à peine trois heures ; et il avait vu une fois le diacre Spiteful prier depuis l’apogée d’une éclipse jusqu’à son périgée. Il proposait donc que sir John et lui résignassent leur siège sans délai, et qu’ils cherchassent à pousser le Walrus au nord le plus promptement possible, dans la crainte d’être surpris par la nuit polaire. Quant à l’honorable Robert Smut, il ne lui souhaitait rien de plus heureux que de rester toute sa vie où il était, et de recevoir ses huit dollars par jour, payables en glands.

Quoiqu’il fût impossible de ne pas entendre, et après avoir entendu, de ne pas se rappeler la voix et les expressions de Noé, cependant mon attention était plus fortement captivée par la contenance du brigadier que par les doléances du marin. Je lui demandai avec intérêt s’il ne se sentait pas bien ; à cette question notre digne collègue me répondit d’une voix plaintive qu’il pleurait sur les infortunes de sa patrie.

« J’ai souvent été témoin, dit-il, du passage des passions et des motifs secondaires à travers le disque du grand postulant moral, le principe. Mais une occultation de sa lumière par l’intérêt pécuniaire, et pendant une période aussi longue, cela est effrayant ! Le ciel seul sait ce que nous deviendrons.

— Ces éclipses, après tout, ne sont-elles pas un simple résultat du système d’enjeu social ? Je vous avoue que cette occultation dont vous semblez si tourmenté n’est pas aussi formidable à la réflexion qu’elle me le paraissait d’abord.

— Vous avez parfaitement raison, sir John, quant au caractère de l’éclipse elle-même, qui doit, sans aucun doute, dépendre de celui du corps intervenant. Mais les plus sages et les plus habiles de nos philosophes assurent que le système général dont nous ne sommes qu’une partie insignifiante, est basé sur les vérités immuables d’une origine divine. Les prémisses, ou postulants, de toutes ces vérités, sont autant de guides moraux dans la conduite des affaires monikines ; et dès l’instant où nous les perdrons de vue, comme cela doit arriver pendant les neuf terribles années qui vont s’écouler, nous serons entièrement abandonnés à l’égoïsme. L’égoïsme est déjà trop formidable lorsqu’il est retenu par le principe ; mais abandonné à ses ambitieux désirs, à ses audacieux sophismes, le mal moral qui en résulte me paraît ter-