Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/123

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— Ne me quittez pas encore, monsieur Effingham, je vous en supplie, lui dit-il avec vivacité ; il m’est si peu ordinaire d’entendre quelqu’un me parler avec confiance, ou même avec bonté, que c’est une circonstance, précieuse pour moi. Je me suis laissé troubler l’esprit par les remarques faites au hasard par cet homme bien intentionné, mais irréfléchi : dans un moment je serai plus calme, — plus homme, — moins indigne de votre attention et de votre pitié.

— La pitié est un mot dont je n’aurais jamais songé à me servir pour l’appliquer à la personne, au caractère, et, comme je l’espérais, à la destinée de M. Blunt ; et j’espère que vous ne me soupçonnerez d’aucun esprit d’impertinence. J’ai conçu pour vous, jeune homme, un intérêt que j’ai depuis longtemps cessé d’éprouver pour la plupart de mes semblables, et je me flatte que ce sera une excuse suffisante de la liberté que j’ai prise. Peut-être le soupçon que vous désiriez obtenir l’estime de ma jeune cousine en a-t-il été la principale cause ?

— Vous ne vous êtes pas trompé, Monsieur. Qui pourrait être indifférent à l’estime d’une jeune personne en qui l’on trouve un esprit si simple, et pourtant si cultivé ; — d’une femme si éloignée de la froide coquetterie et des qualités superficielles de l’Europe, et de la puérilité ignorante de l’Amérique ; — en un mot, d’une créature qui réunit si bien en elle tout ce que pourraient désirer le père le plus passionné et le frère le plus sensible !

John Effingham sourit, car sourire d’une faiblesse était une habitude chez lui, mais son œil brillait. Après un moment d’hésitation, il se tourna vers son jeune compagnon, et avec une délicatesse d’expression et des manières pleines de dignité, qu’il employait mieux que personne quand il le voulait, il lui fit une question qui était présente à ses pensées depuis plusieurs jours, quoiqu’il n’eût pas encore trouvé une occasion convenable pour la lui faire.

— Votre franchise, votre confiance, m’enhardissent, — moi qui devrais être honteux de me vanter d’avoir plus d’expérience, quand je reconnais chaque jour combien peu j’en ai profité, — à chercher à rendre notre connaissance plus intime en vous parlant de choses qui vous touchent personnellement, et auxquelles un étranger n’aurait pas le droit de faire la moindre allusion. Vous parlez des pays que vous venez de mentionner, de manière à me convaincre que vous les connaissez également tous deux.

— J’ai souvent traversé l’Océan, et des deux côtés j’ai beaucoup vu la société pour un homme de mon âge. Ce qui augmente peut-être l’intérêt que m’inspire votre aimable cousine, c’est que, de