Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/175

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— En pareil cas, dit M. Lundi, nous autres plébéiens, nous aurions à céder le pas à la noblesse, et à nous contenter d’une compagne moins belle, quoique les Anglais aiment l’indépendance et puissent en murmurer. J’ai l’honneur de boire à votre bonheur, sir George.

— Je proteste contre votre principe, monsieur Lundi, s’écria M. Dodge. C’est une invasion des droits de l’homme. Une entière liberté d’action doit être maintenue en ce cas, comme en tout autre. Je reconnais que les Anglaises sont très-belles, mais je soutiendrai toujours la suprématie des Américaines.

— Nous boirons à leur santé, monsieur Dodge. Je suis loin de nier leur beauté, mais je crois que vous devez convenir que leur teint se fane plus vite que celui des Anglaises. Au surplus, que Dieu protège les femmes des deux pays ! je vais vider ce verre en l’honneur des unes et des autres, et ce sera de tout cœur.

— Rien n’est plus poli, monsieur Lundi ; mais je doute que je puisse donner mon approbation sans réserve à ce que vous dites du teint de nos dames.

— Vous conviendrez, Monsieur, que votre climat n’est pas le meilleur du monde ; il use la constitution du corps presque aussi vite que vos états en font une.

— J’espère qu’il n’y a aucun danger réel à appréhender du climat, dit sir George. Je déteste particulièrement les mauvais climats, et c’est pour cette raison que je me suis fait une règle de ne jamais aller dans le comté de Lincoln.

— En ce cas, sir George, vous auriez mieux fait de rester chez vous. En fait de climats, il est bien rare qu’on gagne quelque chose à quitter la vieille Angleterre. Voici la dixième fois que je vais en Amérique, — en supposant que j’y arrive, — et quoique j’aie un profond respect pour ce pays, je n’en pars jamais sans me trouver vieilli.

— Monsieur Effingham, permettez-moi de boire à votre santé.

— C’est que vous vivez trop bien, monsieur Lundi, quand vous êtes parmi nous, dit le capitaine ; on y trouve tant de morceaux friands, tant d’excellents vins, qu’un homme connu par son bon goût comme vous l’êtes, ne peut y résister. Restez moins longtemps à table et allez plus souvent à l’église, et vous nous direz quel effet produit sur vous un an de séjour en Amérique.

— Vous vous méprenez complètement sur mes habitudes, capitaine, Je vous en donne ma parole d’honneur. Je suis judicieux dans le choix de ma nourriture, — un véritable Anglais de la vieille roche à cet égard. Bien loin de donner dans la friandise, je ne demande