Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/210

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lui présentait un alinéa contenant quelques paroles mielleuses adressées par la mère condescendante à la crédulité de sa fille, et dont il s’emparait pour le reproduire dans les colonnes du sien. Bien loin donc de prendre ombrage de ce qui avait été dit, il continua le même sujet de conversation longtemps après que le capitaine les eut quittés pour aller s’occuper de ses devoirs, et il y mit tant de persévérance, que, lorsque M. Sharp put s’échapper, Paul Blunt le félicita de son intimité croissante avec le champion éclairé du peuple. Blunt convint qu’il avait commis une indiscrétion ; et si l’affaire n’eut pas d’autre suite, elle procura du moins à ces deux jeunes gens un instant d’amusement dans un moment ou l’inquiétude avait pris l’ascendant sur toute idée de gaieté. Quand ils cherchèrent à faire partager leur enjouement à miss Effingham, elle les écouta pourtant d’un air grave ; car le trait de bassesse découvert par Nanny Sidley ne la disposait pas à traiter même avec la familiarité du ridicule celui qui l’avait commis. S’en étant aperçus, quoiqu’ils ne pussent en deviner la cause, ils changèrent de conversation, et tous devinrent bientôt assez graves en s’occupant de leur propre situation.

Celle du Montauk alors était certainement de nature à faire naître l’inquiétude dans l’esprit de ceux qui connaissaient peu la mer, et même des marins. Elle ressemblait beaucoup à ce qu’avait désiré la vieille Nanny, car le bâtiment était entouré de bancs de sable et de rochers, et était à peu de distance de la terre. Pour que le lecteur puisse la comprendre plus clairement, nous en ferons une description détaillée.

À l’ouest du bâtiment, était le vaste Océan dont les eaux étaient calmes et brillantes, mais se soulevaient et s’abaissaient alternativement, comme par suite de la respiration de quelque monstre énorme. Entre le Montauk et cette immense masse d’eau, et à environ trois cents pieds du bâtiment, on voyait bouillonner l’eau sur une ligne irrégulière, interrompue çà et là par la tête des rochers arides et peu élevés qui indiquaient l’existence du récif et la direction qu’il suivait. Ce récif était tout ce qui séparait le bassin des vagues furieuses, s’il arrivait une nouvelle tempête ; mais le capitaine Truck supposait que cela suffirait pour briser les vagues ; de manière à rendre l’ancrage suffisamment sûr. Cependant, sur l’arrière du paquebot, un banc de sable de forme ronde commença à se montrer, dès que la marée se retira, à moins de quarante brasses du bâtiment ; et comme le fond était dur, et qu’il était difficile que l’ancre y mordît, il y avait le risque de chasser sur ce banc. Nous disons que le fond était dur, car ce n’est pas le poids de l’ancre qui fait la sûreté du bâtiment,