Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/236

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gagnait était en sa faveur, il ordonna d’abord à son monde de transporter les bigues sur l’avant, dans l’espoir de pouvoir enlever le mât de misaine, mât qui lui serait infiniment utile, puisqu’il lui éviterait de jumeler une nouvelle tête à celui qui restait encore sur le paquebot. Il se retira alors à l’écart avec ses deux ambassadeurs, afin de leur donner leurs instructions.

Dès que M. Dodge s’était trouvé sur la chaloupe, il avait senti renaître son courage, et avec son courage, son orgueil ; sa confiance en lui-même et son impudence. Pendant le peu de minutes qu’il avait passées dans l’eau, il n’existait pas dans le monde un homme plus doux et plus humble ; il avait même conçu quelques doutes sur la vérité de toutes ses idées favorites de liberté et d’égalité ; car on pense vite dans le danger, et il y avait eu un moment où il aurait aisément avoué qu’il était dans sa conduite journalière plus hypocrite que démagogue, que le principal motif de ses actions était l’égoïsme, que ses passions dominantes étaient l’envie, la méfiance et la méchanceté ; en un mot, où il se serait montré tel qu’il était. Dès qu’il fut sur la chaloupe, la honte s’empara de lui, et il chercha des excuses pour couvrir sa lâcheté. Mais sans nous arrêter à rapporter tout ce qu’il dit alors à ce sujet, et les moyens que prit M. Leach, pour le déterminer à revenir sur le bâtiment, nous donnerons dans ses propres termes l’apologie qu’à son retour il fit de sa conduite au capitaine Truck, non sans quelque embarras.

— Il faut que j’aie mal compris vos arrangements, capitaine, dit-il ; car, de manière ou d’autre, quoique je ne sache trop comment, dès que l’alarme eut été donnée, il me sembla que je devais être sur la chaloupe pour être à mon poste. Je suppose que c’est parce que je savais que c’était là qu’étaient déposées les voiles et les manœuvres que nous étions venus chercher ici, et que par conséquent c’était l’endroit qu’il fallait défendre avec le plus de résolution. Je suis sûr que si les Arabes étaient venus nous y attaquer, j’aurais combattu comme un tigre.

— Nul doute, mon cher monsieur, et comme un chat sauvage. Nous sommes tous sujets quelques petites méprises, à la guerre comme en politique ; et un fait bien connu, c’est que les meilleurs soldats sont ceux qui reculent à la première attaque. Mais M. Leach vous a expliqué le plan de M. Lundi, et je compte sur votre zèle et sur votre courage. Voici une bonne occasion pour en donner une preuve, car jusqu’ici vous n’avez fait qu’une démonstration.

— S’il s’agissait seulement d’affronter les Arabes le sabre à la main…