Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/240

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idées assez justes sur la force d’un vaisseau de guerre et sur le danger d’en attaquer un. Le résultat de sa politique se fera mieux voir dans la suite de cette relation.

L’accueil que reçurent les deux envoyés du capitaine Truck fut marqué par cette politesse souriante et courtoise qui semble diminuer à mesure qu’on avance vers l’occident, et augmenter quand on marche à l’orient, quoiqu’elle eût certainement quelque chose de moins étudié que dans le palais d’un rajah indien. Le scheik n’était pas à proprement parler un scheik, et, ceux qui l’accompagnaient n’étaient pas de vrais Arabes, quoique nous leur ayons donné ce nom pour nous conformer à l’usage ; le premier avait pourtant de l’autorité sur les autres, et ses compagnons et lui avaient assez du type qui caractérise les tribus errantes qui sont à l’est de la mer Rouge, pour justifier le nom que nous leur avons donné.

M. Lundi et M. Dodge furent invités par signes à s’asseoir, et on leur offrit des rafraîchissements qui ne furent pas très-attrayants pour le premier ; aussi ne tarda-t-il pas à ouvrir sa caisse de liqueurs et à montrer à ses hôtes ce qu’il fallait en faire. Ceux-ci, quoique musulmans, ne se firent pas scrupule, de suivre son exemple, et dix minutes passées à boire et à se faire des signes inintelligibles établirent entre eux une sorte d’intimité.

L’homme que le capitaine Truck avait fait prisonnier la nuit précédente avec si peu de cérémonie, fut alors amené devant le scheik, et l’on montra beaucoup de curiosité pour savoir si ce qu’il avait dit du penchant des étrangers à manger leurs semblables était vrai ou non. Dans le cours des siècles, les habitants du désert avaient entendu quelques prisonniers raconter l’histoire de marins qui avaient mangé un ou plusieurs de leurs compagnons, et il existait encore parmi eux, à ce sujet, de vagues traditions que le récit de cet homme avait fait revivre. Si le scheik eût, comme M. Dodge, écrit des articles de journaux, il est probable qu’il aurait parlé des mœurs et des coutumes des Américains d’une manière aussi judicieuse et aussi véridique que l’avait fait l’éditeur du Furet Actif à l’égard des différentes nations qu’il avait vues.

M. Lundi fit la plus grande attention aux gestes qui accompagnaient la description que faisait cet homme de l’envie qu’avait montrée le capitaine Truck de faire des grillades de son corps, et qu’il termina en cherchant gravement à faire entendre aux deux envoyés que le scheik les invitait à dîner avec lui. M. Lundi était porté à accepter la proposition ; mais M. Dodge envisagea l’affaire sous un autre point de vue, car avec une conformité d’opinion qui disait réellement quel-