Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/250

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M. Leach exécuta cet ordre avec beaucoup de succès. Heureusement le cuisinier avait laissé ses marmites pleines de viande et il y en avait assez pour vingt-quatre heures. Les Arabes ne s’en étaient pas emparés, faute de savoir où cacher ce butin ; il trouva, en outre, une grande quantité d’eau et de pain, et, l’instinct d’un matelot découvrit une grande cruche de rhum de la Jamaïque qui servit admirablement à entretenir la bonne humeur dans l’équipage. Les vivres arrivèrent, à la grande satisfaction de M. Truck, à l’instant où la chaloupe venait de jeter l’ancre, car il prévoyait que, sans cela, il serait bientôt obligé d’abandonner son précieux radeau.

Quand l’équipage eut dîné, on reprit la longue et laborieuse opération de touer la chaloupe pour l’éloigner ; et, après un travail de deux heures, elle se trouva avec le radeau à une bonne lieue de la côte, un bas-fond ayant permis de faire servir l’ancre à jet à une plus grande distance de la terre que la première fois. Alors, ils déployèrent de nouveau les voiles entreprirent les rames. Mais la mer se montra encore leur ennemie, quoiqu’ils eussent maintenant le courant pour eux. S’il n’y avait eu ni vent, ni grosse mer, ils auraient fait des progrès plus faciles et plus rapides ; mais ces deux puissances ennemies les poussèrent avec une telle force vers la côte, qu’à peine étaient-ils à deux milles du bâtiment échoué, qu’ils furent obligés de jeter l’ancre encore une fois.

— Il ne leur restait aucune autre alternative que de se remettre à touer la chaloupe, pour profiter ensuite, autant qu’il serait possible, de l’espace qu’ils aurait gagné au large. Il en résulta qu’ils se trouvèrent, au coucher du soleil, presque derrière le promontoire qui leur cachait la vue du Montauk, dont le capitaine calcula qu’ils étaient alors à un peu moins de deux lieues. Le vent avait fraîchi, et quoiqu’il ne fût pas assez fort pour rendre la mer dangereuse, il augmentait tellement le travail de l’équipage, que M. Truck, à son grand regret, se vit obligé de chercher un bon mouillage pour donner du repos à son monde.

Il n’était pas possible de mettre le radeau en lieu de sûreté, car, au nord du promontoire, c’est-à-dire du côté où ils étaient, il n’y avait ni récif, ni baie qui pût leur procurer un abri. La côte n’offrait qu’une ligne sinueuse de bancs de sable, et en beaucoup d’endroits, quand il faisait du vent, la mer se brisait à la distance d’un mille du rivage, précisément comme à l’endroit où le bâtiment danois avait échoué et que le capitaine avait probablement choisi pour sauver la vie des hommes de son équipage. Dans de telles circonstances, il ne leur restait qu’à travailler encore à touer la chaloupe et le radeau