Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/301

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Enfin, tout le monde descendit dans la chaloupe, à l’exception de Paul qui resta encore sur le pont du paquebot, examinant comment les Arabes avançaient, et calculant ce qu’il avait à faire.

Il fallait une grande force d’esprit, beaucoup de sang-froid et une confiance entière dans ses connaissances et dans ses moyens pour rester ainsi spectateur passif de la marche lente du radeau qui avançait en droite ligne vers le paquebot. Quelques Arabes placés sur le radeau l’aperçurent, et avec la duplicité ordinaire aux barbares ils lui firent des signes d’amitié et d’encouragement. Blunt ne se laissa pourtant pas tromper par ces signes, mais il continua à observer avec attention tous leurs mouvements, espérant pouvoir ainsi obtenir quelque connaissance de leurs intentions. Son air calme les trompa, et ils allèrent jusqu’au point de lui faire signe de leur jeter une corde. Jugeant qu’il était alors temps de partir, il leur répondit par un signe qui semblait favorable à leur demande, et disparut à leurs yeux.

Même en descendant sur la chaloupe, le jeune marin ne montra aucune précipitation ; ses mouvements furent prompts, et il prit toutes ses mesures avec une rapidité qui était le résultat de sa science ; mais ni trouble, ni confusion, ni incertitude, ne lui firent perdre un seul instant. Il déploya la voile, l’amura, et se plaça ensuite sous le rouffle, après avoir détaché le câblot qui amarrait la chaloupe au paquebot et avoir vigoureusement poussé le bâtiment pour que l’embarcation s’en éloignât. Par ce dernier mouvement, il mit sur-le-champ trente pieds d’eau entre la chaloupe et le Montauk, espace que les Arabes n’avaient aucun moyen de franchir. Dès qu’il fut sous le rouffle, il prit la barre du gouvernail qui, au moyen d’une étroite ouverture pratiquée dans les planches, pouvait se mouvoir à travers un des volets. M. Sharp prit sa place sur l’avant, d’où il pouvait voir par différentes fentes les bancs de sable et les canaux, et d’où il indiquait à Paul comment il devait gouverner. À l’instant où de grands cris annonçaient l’arrivée sa radeau de l’autre côté du paquebot, le battement de leur voile apprit à ceux qui étaient dans la chaloupe l’heureuse nouvelle qu’ils étaient déjà assez loin pour sentir la force du vent.