Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/99

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chons sur les claires voies, afin qu’aucun rayon de lumière ne pût en sortir. Il eut la même attention pour la lampe de l’habitacle. Après avoir pris cette précaution, l’équipage reçut ordre de diminuer de voiles ; et en vingt minutes on avait amené les bonnettes et mis le bâtiment sous les huniers avec trois ris, la misaine et le grand foc. Toutes ces manœuvres furent entremêlées d’ordres donnés aux matelots de redoubler d’activité, attendu que, pendant ce temps, « l’Anglais arrivait sans doute comme un cheval de course. »

Lorsque cette manœuvre fut terminée, tous les matelots redescendirent sur le pont, aussi étonnés des divers arrangements qui venaient d’être pris, que s’ils eussent reçu l’ordre de couper les mâts.

— Si nous avions des canons et quelques bras de plus, dit un vieux matelot au second lieutenant en remontant ses pantalons, et en poussant sa chique dans un coin de sa bouche, je croirais que notre commandant se dispose à se battre ; mais nous n’avons rien pour faire la guerre, à moins que nous ne jetions des biscuits à la tête des ennemis.

— Chacun à son poste pour virer de bord vent arrière, cria le capitaine, du gaillard d’arrière.

L’équipage s’élança sur les bras, et les vergues cédèrent lentement à ses efforts. Le bâtiment arriva peu à peu ; il ne tarda pas à rouler bord sur bord, et revint au vent sur l’autre bord, le cap à l’est. Cette nouvelle direction donnée à la route du bâtiment avait le double avantage de l’écarter de la terre, et de faire un angle oblique avec la ligne que suivait la corvette, si elle continuait à y persister. Les matelots se firent les uns aux autres un signe de tête en forme d’approbation ; car ils comprenaient alors le but de cette manœuvre aussi bien que si on le leur eût explique verbalement.

La révolution opérée sur le pont en produisit une aussi soudaine en dessous. Le bâtiment, au lieu des mouvements doux de sa précédente allure, prenait la lame debout, tanguait violemment, et le vent, qui se faisait à peine entendre quelques minutes auparavant, sifflait avec force dans le gréement. Quelques passagers gagnèrent leurs lits, entre autres M. Sharp et M. Dodge ; les autres montèrent sur le pont pour apprendre ce qui avait occasionné ce changement ; et pendant toute la nuit, pas un seul ne songea à ce qui l’avait occupé pendant la soirée.

Le capitaine Truck eut à répondre au nombre ordinaire de questions, ce qu’il fit d’une manière claire et succincte. Nous espérons que sa réponse paraîtra satisfaisante au lecteur ; ceux qui le questionnaient furent obligés de s’en contenter.