Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/134

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pendant toute une semaine, était de Pope, auteur si complètement oublié dans ces beaux jours de la littérature, dans lesquels on semble croire que toutes les connaissances sont condensées dans les productions des dernières années, qu’on pourrait faire passer sous son nom un poëme tout entier, sans craindre que le plagiat fût découvert. C’étaient simplement les deux premiers vers de l’Essai sur l’Homme, et comme il s’y trouve heureusement une « allusion à l’orgueil des rois, » ils passeraient pour originaux aussi bien que pour excellents dans dix-neuf villages sur vingt en Amérique, dans ce temps d’ultra-républicanisme. Sans doute M. Bragg s’est imaginé qu’un éloge du peuple allait suivre, et que l’ouvrage finirait par un tableau brillant de Templeton et de ses environs.

— Je ne sais si je dois permettre à un étranger ces sarcasmes contre la liberté, dit Ève d’un air sérieux qui n’était pas tout à fait d’accord avec ses sentiments ; car jamais, dans toute sa vie, elle ne s’était sentie si heureuse que ce matin-là.

— Un étranger, miss Effingham ! — Pourquoi étranger ?

— Quoi ! vous connaissez votre cosmopolitisme ; et le cousin du capitaine Ducie ne doit-il pas être Anglais ?

— Je ne répondrai point au « ne doit-il pas être » car la simple mention du fait répond suffisamment à la question. — Le cousin du capitaine Ducie n’est pas Anglais, et il n’a jamais, comme je vois que vous le soupçonnez, servi dans la marine anglaise, ni dans aucune autre que celle de son pays natal.

— C’est vraiment nous prendre par surprise et de la manière la plus agréable, s’écria Ève en le regardant avec un plaisir qu’elle ne cherchait pas à déguiser, tandis qu’un nouveau feu lui montait au visage. Nous ne pouvons que prendre intérêt à un homme qui nous a rendu tant de services, et mon père ainsi que M. John Effingham…

— Votre cousin John, dit Paul en appuyant sur le premier mot.

— Eh bien ! mon père et mon cousin John, puisque vous le préférez ainsi, ont consulté la liste de la marine américaine, et y ont inutilement cherché votre nom, à ce que j’ai appris, et la conséquence qu’ils en ont tirée était assez juste, vous en conviendrez vous-même.

— S’ils avaient remonté à quelques années plus haut, ils auraient eu plus de succès. J’ai quitté le service, et je ne suis plus marin que de souvenir. Depuis quelques années, j’ai voyagé comme vous sur terre et sur mer.