Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/155

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arrivèrent au wigwam aussitôt que les convenances le permirent.

Beaucoup de faux bruits se répandirent naturellement, et avant que dix jours se fussent écoulés, on disait déjà que miss Ève allait épouser sir George Templemore, — M. Powis, — et même M. Bragg. Cette dernière histoire avait pris naissance dans quelques mots échappés à ce dernier, qui avait laissé entrevoir ses espérances précoces en aidant quelques amis à vider une bouteille de mauvais vin, honoré du nom de champagne. Mais de pareils contes naissaient et mouraient si souvent dans une société où le mariage est un sujet général de conversation parmi les jeunes filles, qu’ils portaient avec eux leur propre réfutation. Le troisième jour après l’arrivée des voyageurs fut un jour de réception au wigwam, et ils eurent soin d’être tous à la maison à midi, et prêts à recevoir les visites. Une des premières fut celle de M. Howel, célibataire à peu près du même âge que M. Effingham, ayant une fortune honnête et des habitudes tranquilles. La nature avait fait pour M. Howel plus que l’éducation ; car, à très-peu d’exceptions près, il avait passé toute sa vie dans la vallée de Templeton. Sans aimer l’étude ni la science, il avait employé tout son temps à se tenir au courant de la littérature du jour, car il aimait beaucoup la lecture ; et comme il était trop indolent pour discuter et même pour réfléchir, son esprit avait reçu toutes ses impressions des ouvrages qu’il lisait, comme il se forme un creux dans une pierre par la goutte d’eau qui y tombe constamment. Malheureusement pour M. Howel, il ne savait que sa propre langue, et toutes ses lectures se bornant nécessairement à des ouvrages anglais, il s’était imbu peu à peu et sans le savoir de toutes les opinions, de tous les préjugés et de tous les principes, — si ce dernier mot peu s’employer en ce cas, — qu’il avait convenu aux intérêts et aux passions de l’Angleterre de promulguer par le moyen de la presse. Une parfaite bonne foi régnait dans toutes ses opinions, et quoiqu’il fût naturellement modeste, il se croyait si certain que ses autorités avaient toujours raison, qu’il était porté à prendre un ton un peu dogmatique sur tous les points qu’il regardait comme établis par ses auteurs. Il y avait souvent des escarmouches, mais toujours amiables, entre John Effingham et M. Howel ; car tandis que celui-ci avait des connaissances si bornées, et était si porté à une crédulité innocente, le premier était original dans ses vues, habitué à voir et