Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/184

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cun rapport entre ce nom et le caractère du pays, les fées n’ayant jamais été connues dans l’Otségo, même par tradition.

La barque arriva alors près d’une rive sur laquelle de beaux arbres bordaient le lac, avançant quelquefois leurs branches sur les eaux qui réfléchissaient leurs formes fantastiques. En ce moment, un autre esquif s’approchait d’eux sans se presser. À un signe que fit John Effingham, quelques vigoureux coups de rames mirent bientôt les deux barques bord à bord.

— C’est le vaisseau amiral, dit John Effingham à demi-voix tandis qu’ils s’en approchaient, et l’homme qui le monte n’est rien moins que le commodore du lac. Autrefois, le chef du lac était un amiral, mais c’était dans un temps où, étant plus près de la monarchie, nous conservions encore quelques expressions européennes. Aujourd’hui, personne ne s’élève en Amérique à un plus haut grade que celui de commodore, soit sur l’Océan, soit dans l’Otségo, quels que puissent être ses services et son mérite. — Voilà une belle journée, commodore ; je me réjouis de vous voir encore sur l’eau dans toute votre gloire.

Le commodore, grand homme maigre, ayant les formes d’un athlète et des cheveux blancs, pouvait avoir soixante-dix ans, et pourtant il était aussi actif qu’un jeune homme dans tous ses mouvements. À peine eut-il jeté un coup d’œil sur la barque qui s’avançait, qu’il reconnut la voix de John Effingham. Il examina toute la compagnie à l’aide de ses lunettes, sourit d’un air de bonne humeur, et fit un signe amical d’une main, tandis qu’il ramait de l’autre, assis à l’arrière de sa nacelle, la taille droite et la tête levée.

— Oui, monsieur John, dit-il, la matinée est belle, et la lune au point convenable pour aller sur l’eau. Ce n’est peut-être pas un jour scientifique pour la pêche, mais je suis venu voir si toutes les pointes et les baies du lac sont à leur place.

— Comment se fait-il, commodore, que l’eau du lac près du village soit moins limpide que de coutume ? Même ici, on voit quelque chose flotter sur sa surface.

— Quelle question pour M. John Effingham ! et en parlant d’un lac qui l’a vu naître ! Voilà ce que c’est que de voyager dans des pays éloignés. On oublie autant de choses qu’on en apprend, à ce que je vois. Et le commodore levant la main à la manière d’un orateur, ajouta : Il faut que vous sachiez, Messieurs et Dames, que le lac est en fleur.