Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/25

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Apparemment, Mademoiselle ; sous plusieurs rapports.

— Jeunes et vieux, la fièvre occidentale a attaqué tout le monde, et elle a enlevé des familles entières à cette partie de l’univers, continua Aristobule, qui ne comprit rien au petit aparté qui vient d’être rapporté, et qui, par conséquent, n’y fit aucune attention. — La plupart des comtés voisins du nôtre ont aussi perdu une partie considérable de leur population.

— Et ceux qui sont partis ainsi, demanda M. Effingham, appartiennent-ils aux familles établies, ou forment-ils seulement la partie mobile des habitants ?

— La plupart appartiennent à la classe de ceux qui ont toujours un pied en l’air.

— Quoi ! s’écria sir George, y a-t-il réellement une partie notable de votre population qu’on puisse désigner ainsi ?

— Tout aussi bien que l’homme qui ferre un cheval doit s’appeler un maréchal, répondit John Effingham, et celui qui bâtit une maison un charpentier.

— Bien certainement, continua M. Bragg, et nous en avons un bon nombre tant en politique qu’en tout autre genre d’affaires. — Je suppose, sir George, qu’en Angleterre vous êtes assez stationnaires ?

— Nous aimons à rester de génération en génération dans le même endroit. Nous aimons l’arbre que nos ancêtres ont planté, le toit qu’ils ont construit, le coin du feu où ils se sont assis, et la terre qui couvre leurs restes.

— Très-poétique, et j’ose dire qu’il y a dans la vie des situations où de pareils sentiments viennent sans effort. Cependant ce doit être un grand obstacle aux affaires et aux spéculations dans votre partie du monde, Monsieur.

— Que sont les affaires et les spéculations auprès de l’affection que l’on conserve pour ses ancêtres, Monsieur, et des liens solennels qui rattachent les hommes à la tradition et à l’histoire ?

— Quant à l’histoire, elle ne nous oppose pas ici de grands obstacles ; du moins elle n’empêche personne de faire ce que son intérêt exige. On doit avoir pitié d’une nation que le passé enchaîne de cette manière ; car son industrie, son esprit d’entreprise, doivent être arrêtés à chaque instant par des obstacles qui naissent de ses souvenirs. À cet égard, aussi bien qu’en toute autre chose, monsieur John Effingham, on peut réellement appeler l’Amérique un pays aussi heureux qu’il est libre.