Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est un vrai croyant qui a une foi implicite dans le mérite et la supériorité des Anglais, miss Effingham : on peut en juger par le désir qu’il montre de vous voir un mari de ce pays.

— C’est le côté faible du caractère d’un très-honnête homme. On m’assure que de tels exemples étaient beaucoup plus fréquents il y a trente ans qu’aujourd’hui.

— Je le crois aisément, car je me rappelle moi-même quelques caractères semblables. J’ai entendu des hommes plus âgés que je ne le suis faire une distinction entre les sentiments qui régnaient il y a quarante ans, et ceux qui règnent aujourd’hui. Ils disent qu’autrefois l’Angleterre dictait absolument et despotiquement à l’Amérique toutes ses pensées, si ce n’est quand les intérêts des deux nations étaient contraires, et j’ai même entendu d’excellents juges soutenir que l’influence de l’habitude était si puissante, et que les projets de ceux qui dirigeaient le système politique de la mère-patrie réussissaient si bien, que, même parmi ceux qui combattaient pour la liberté de l’Amérique, il se trouvait des hommes qui doutaient s’ils agissaient comme ils l’auraient dû ; comme on sait qu’il y avait des moments où Luther avait des doutes sur la justice de la réformation à laquelle il travaillait. Mais, depuis quelque temps, le penchant pour l’Angleterre est moins le résultat d’une simple dépendance mentale, — quoiqu’il n’en reste encore que trop, — que du calcul, et du désir qu’a une certaine classe de renverser la domination de la masse, et d’établir en place celle du petit nombre.

— Ce serait une étrange circonstance dans l’histoire de ce pays de le voir devenir monarchique.

— Il s’y trouve sans doute quelques partisans de la monarchie, mais ils sont dans une classe qui ne connaît le monde que par l’imagination et par les livres. La tendance de notre temps est vers l’aristocratie, et non vers la monarchie. La plupart de ceux qui s’enrichissent découvrent qu’ils n’en sont pas plus heureux ; peut-être tout homme que son éducation n’a pas préparé à user convenablement de la fortune est dans cette catégorie, comme le dirait notre ami le capitaine, et il commence alors à désirer quelque avantage dont il n’a pas encore fait l’épreuve. L’exemple du reste du monde est sous les yeux de nos riches, et faute d’imagination, ils imitent parce qu’ils ne peuvent inventer. Le pouvoir politique exclusif est aussi un allié fort utile pour amasser de l’argent, et il y a des gens qui ont assez de sagacité pour le voir,