Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/319

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été véritablement malheureuse, et avec lui, malgré ces pleurs rebelles, pleurs que je dois attribuer à la contagion de votre chagrin, rien n’a manqué à mon bonheur.

M. Effingham mérite bien tout ce que vous dites ; mais moi, je n’ai jamais connu mon père.

— Vous n’avez pas connu votre père ! s’écria Ève, le son de sa voix annonçant une vive compassion au sort d’un malheureux orphelin plutôt qu’une surprise ordinaire.

— Il s’était séparé de ma mère avant ma naissance ; et où il mourut bientôt après, ou il ne jugea jamais que son fils méritât la peine qu’il prît quelque intérêt à lui, ou qu’il se procurât quelque information sur son sort.

— Et il n’a jamais connu ce fils ! s’écria Ève avec une ferveur et une franchise qui firent disparaître toute la réserve qui était le résultat de la modestie de son sexe, ou de sa timidité naturelle.

— Miss Effingham, — chère miss Effingham — ma chère Ève ! que dois-je conclure d’une chaleur si généreuse ? Ne me laissez pas dans l’erreur ! Je puis supporter ma misère solitaire ; je puis braver les souffrances d’une existence isolée, mais je ne pourrais vivre si j’étais trompé dans l’espoir que votre bouche même a fait naître.

— Vous m’apprenez l’importance de la circonspection, Powis, et nous en reviendrons à votre histoire et à vos confidences, dont je serai la dépositaire fidèle. Quant à présent, du moins, je vous prie d’oublier toute autre chose.

— Un ordre donné avec tant de bonté est si encourageant… Vous offensé-je chère miss Effingham ?

Ève passa sa belle main sous le bras de Paul, lui montrant, par la manière dont elle fit ce mouvement si simple, sa véracité et sa confiance modeste en son honneur, et elle lui dit d’un ton plus enjoué :

— Vous oubliez la substance de cet ordre à l’instant même où vous voudriez me faire supposer que vous êtes le plus disposé à y obéir.

— Eh bien ! donc, miss Effingham, vous serez obéie plus implicitement. — Pourquoi mon père quitta-t-il ma mère sitôt après leur union, c’est ce que je n’ai jamais su. Il paraît qu’ils ne vécurent ensemble que quelques mois, quoique j’aie la consolation de savoir que ma mère n’avait aucun reproche à se faire. Pendant bien des années, j’ai souffert des tourments continuels sur le