Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/393

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— Comme les pêcheurs qui ont du guignon, général, et qui sont toujours prêts à chercher une nouvelle place pour pêcher. Je crois que, dans tout ce pays, vous ne trouveriez pas une douzaine de tombes de fils reposant à côté de leurs pères. Chacun semble avoir une aversion mortelle pour la stabilité.

— Il est difficile d’aimer un tel pays, commodore.

— Je n’ai jamais cherché à l’aimer. Dieu m’a donné une belle nappe d’eau qui convient à mes idées et qui fournit à mes besoins, un beau ciel, des montagnes couvertes d’une belle verdure, et je suis satisfait. On peut aimer Dieu dans un tel temple, même sans aimer aucune autre chose.

— Eh bien ! je suppose que si vous n’aimez rien, personne ne vous aime ; et il n’y a d’injustice d’aucun côté.

— Précisément, Monsieur. Chacun fait son idole de soi-même, quoiqu’un homme pressé dans la cohue puisse quelquefois être embarrassé pour savoir s’il est lui-même ou un de ses voisins.

— Je voudrais connaître vos sentiments politiques commodore. Vous m’avez parlé avec franchise sur tous les sujets possibles, excepté sur celui-là, et je me suis mis dans l’idée que vous étiez un vrai philosophe.

— Je ne me regarde que comme un enfant enveloppé de ses langes comparé à vous, général ; mais quelles que soient mes pauvres opinions, vous êtes le bien venu à les connaître. D’abord donc, Monsieur, j’ai vécu assez longtemps sur cette pièce d’eau pour avoir appris que chacun aime la liberté en sa propre personne, et qu’il a une secrète répugnance à en voir jouir les autres. Ensuite j’en suis venu à comprendre que le patriotisme signifie du pain et du fromage, et que l’opposition est « chacun pour soi. »

— Si la vérité était connue, commodore, je crois qu’on dirait que vous avez pêché ces idées à la ligne.

— Précisément. Après avoir été poussé de côté et d’autre sur terre ; après avoir usé de mes privilèges d’homme libre comme on me l’ordonnait, je me suis lassé de tant de liberté ; j’y ai renoncé, et je me suis retiré dans la vie privée, faisant à peu près ce que bon me semble sur ce lac, comme un pauvre esclave que je suis.

— Vous devriez être nommé président aux élections prochaines.

— Je dois mon émancipation actuelle au sogdollader. D’abord, j’ai commencé à raisonner sur ce M. Dodge, qui s’est jeté récemment, lui et son ignorance, dans ce village pour expliquer la vérité et faire voir la lumière aux aveugles. Eh bien ! me