Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/400

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Il est rare qu’on puisse voir deux jeunes personnes si aimables réunies pour une occasion semblable. Tandis que M. Effingham était entre elles, leur tenant une main à chacune, ses yeux humides se tournaient de l’une à l’autre avec une fierté et une admiration que sa tendresse même ne pouvait surpasser. Leurs toilettes étaient aussi simples que le permettait la cérémonie d’un mariage, car il avait été décidé qu’on ne ferait aucun étalage inutile ; et peut-être la beauté des deux futures était-elle rendue plus attrayante par cette simplicité ; car on a remarqué avec raison que les belles Américaines sont plus séduisantes en négligé que lorsqu’elles sont en grande toilette. Comme on aurait pu s’y attendre, on voyait briller plus d’âme et de sensibilité sur la physionomie d’Ève, quoique celle de Grace eût un air charmant de naturel et de modestie. Toutes deux étaient pleines de grâce, simples et sans la moindre affectation, et nous pouvons ajouter que l’une et l’autre tremblaient quand M. Effingham leur prit les mains.

— C’est un moment agréable, et pourtant pénible, dit cet excellent homme ; un moment qui me fait gagner un fils et perdre une fille.

— Et moi, mon cher oncle, dit Grace, tandis qu’une larme tremblait sur les cils de ses paupières, comme la goutte de rosée prête à tomber d’une feuille, n’ai-je donc aucune part dans vos pensées ?

— C’est vous, ma chère Grace, qui êtes la fille que je perds, car Ève reste avec moi. Mais Templemore a promis de vous rendre heureuse, et je compte sur sa parole.

Il embrassa tendrement les deux jeunes amies, qui touchaient à l’instant le plus important de leur vie, et qui offraient a ses yeux l’aimable aspect de la jeunesse et de la beauté jointes à l’innocence et à la modestie. Passant alors un de leurs bras sous chacun des siens, il les conduisit dans le salon. John Effingham, les deux futurs époux, le capitaine Ducie, M. et mistress Bloomfield, mistress Hawker, le capitaine Truck, mademoiselle Viefville, Nanny Sidley et Annette les y attendaient, et dès qu’on eut enveloppé de grands châles Ève et Grace, pour cacher leur parure nuptiale, toute la compagnie se rendit à l’église.

Il n’y avait que quelques pas du wigwam à la nouvelle église de Saint-Paul, et les pins solennels qui croissaient dans le cimetière faisaient contraste avec la verdure plus gaie des arbres de