CHAPITRE V.
istress Houston était ce qu’on appelait une femme à la mode,
à New-York. Elle était aussi d’une famille distinguée dans le
pays, quoique moins ancienne que celle de mistress Hawker. Cependant,
ses droits à cette sorte de noblesse étaient reconnus par
les plus difficiles sur ce point ; car il reste encore des gens qui
croient qu’il est nécessaire de descendre des anciens colons pour
avoir droit à la considération. Comme elle était riche et qu’elle
avait plus de goût que la plupart de ceux qui l’entouraient, elle
tenait ce qu’on regardait comme une maison de meilleur ton
qu’on n’en trouvait ordinairement, même dans les cercles les plus
élevés. Ève ne la connaissait que très-légèrement, et n’avait pas
encore été chez elle ; mais, aux yeux de Grace, la maison de mistress
Houston était celle qui devait faire l’impression la plus favorable
sur sa cousine. Elle le désirait si vivement que, chemin
faisant, elle crut devoir préparer Ève à ce qu’elle allait voir.
— Quoique mistress Houston ait une maison très-grande pour New-York, lui dit-elle, et montée sur un grand ton, il ne faut pas vous attendre à des antichambres et à de longues suites d’appartements, comme vous avez été accoutumée à en voir en pays étranger.
— Il n’est pas nécessaire, ma chère cousine, d’entrer dans une maison qui a quatre ou cinq croisées sur la rue, pour voir que ce n’en est pas une de vingt ou trente. Je crois qu’il serait très-déraisonnable de s’attendre à trouver dans cette bonne ville un palais d’Italie ou un hôtel de Paris.
— Nous ne sommes pas assez vieilles pour cela, Ève. Dans une centaine d’années, mademoiselle Viefville, on pourra voir ici de pareilles choses.
— Bien certainement. Cela est tout naturel.
— Au train dont va le monde, Grace, il est plus probable que dans cent ans il n’en existera plus, et que tous ces hôtels seront