Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/72

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— Vraiment ! — Je ne m’y attendais pas. — N’est-ce pas l’usage maintenant en Europe de faire une contredanse dans le plus petit espace possible ?

— Tout au contraire, Miss, — on ne peut bien danser sans faire des évolutions. Les derviches dansants, par exemple, auraient besoin d’un espace presque aussi grand que ce salon ; et je crois que l’on convient généralement aujourd’hui que pour bien danser, il faut de la place pour les jambes. C’est un sine quâ non.

— Nous sommes nécessairement un peu en arrière sur les modes dans ce pays éloigné. Dites-moi, Monsieur, les dames sont-elles dans l’usage de marcher seules dans la société en Europe ?

— La femme n’a pas été faite pour marcher seule dans le chemin de la vie, répondit Aristobule avec un regard sentimental ; car il ne souffrait jamais qu’une occasion d’avancer ses affaires lui glissât entre les doigts, et s’il ne réussissait pas avec miss Effingham ou miss Van Courtlandt, dont il connaissait parfaitement la fortune, il pensa que miss Ring pourrait aussi être un parti avantageux ; pour lui tout ce qui venait à son moulin était farine. — Ce que je dis, ajouta-t-il, est, je crois, une vérité admise.

— Je suppose que vous faites allusion au mariage.

— Oui, Miss. Un homme doit toujours songer au mariage quand il parle à une jeune personne.

Cette réponse déconcerta miss Ring, qui se mit à effeuiller une fleur de son bouquet, car elle était accoutumée à entendre les dames parler de mariage, et non les jeunes gens. Cependant, reprenant sa présence d’esprit, elle dit avec une promptitude qui faisait honneur à l’école à laquelle elle appartenait :

— Vous parlez en homme qui a de l’expérience, Monsieur.

— Certainement, Miss ; j’ai toujours été amoureux depuis l’âge de dix ans ; je pourrais dire que je l’étais en naissant, et j’espère mourir de même.

— C’était aller assez loin ; mais la belle n’était pas femme à s’effaroucher.

Elle le regarda en souriant, et lui dit d’un ton plus animé que jamais :

— Vous autres voyageurs, vous avez des idées singulières, et surtout sur de pareils sujets ; je crains toujours de les discuter avec des étrangers, quoique j’aie moins de réserve avec mes concitoyens. — Et vous, monsieur Truck, êtes-vous satisfait de l’A-