Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/8

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distinguassent par une expression, analogue à leur caractère et à la tournure habituelle de leur esprit.

— Miss Effingham ! dit Grace d’une voix qu’on pouvait à peine entendre, en faisant un pas pour avancer vers sa cousine, quoiqu’elle pût à peine se soutenir sur ses jambes.

— Miss Van Courtlandt ! dit Ève du même ton.

Ce ton cérémonieux les glaça toutes deux, et un mouvement d’instinct fit qu’elles s’arrêtèrent pour se faire une révérence. Les manières froides des Américains avaient fait une telle impression sur Ève depuis huit jours qu’elle était de retour, et Grace était si inquiète de l’opinion qu’aurait d’elle une jeune personne qui avait vécu si longtemps en Europe, qu’il était fort à craindre, eu ce moment critique, que cette entrevue ne se terminât d’une manière qui n’aurait été satisfaisante pour aucune d’elles.

Jusque là pourtant toutes les règles des bienséances avaient été strictement observées, quoique le vif sentiment d’affection qui vivait toujours dans le cœur des deux cousines eût été si complètement réprimé. Mais le sourire, quoique encore un peu froid et embarrassé, qui se montra sur leurs lèvres quand elles se saluèrent, avait le doux caractère de celui de leur enfance, et leur rappela l’étroite liaison de leurs premières années.

— Grace ! dit Ève, se précipitant vers sa cousine, et rougissant comme l’aurore.

— Ève !

Chacune ouvrit les bras, et au même instant un long et tendre embrassement les réunit et fit renaître leur ancienne intimité. Avant la nuit, Grace se trouva comme chez elle dans la maison de son oncle. Il est vrai que miss Effingham trouva dans miss Courtlandt certaines particularités dont elle aurait préféré la voir exempte, et que celle-ci se serait trouvée plus à l’aise si sa cousine eût montré un peu moins de réserve sur certains sujets qu’Ève avait appris à regarder comme interdits.

Malgré ces légères nuances qui distinguaient leurs caractères, leur affection mutuelle était vive et sincère. Si Ève, d’après les idées de Grace, avait un peu trop de réserve et de gravité, elle était toujours polie et affectueuse ; et si Grace, à ce que pensait Ève, était un peu trop franche et trop légère, elle ne manquait jamais à la délicatesse de son sexe.

Nous passerons sur les trois ou quatre jours qui suivirent, pendant lesquels Ève commença à comprendre sa nouvelle position,