Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/100

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nouvelles rues s’élèvent ; les quais changent de face ; en un mot, tout est changement sur terre. Au contraire, un navire revient d’un voyage dans les Indes-Orientales, tel qu’il était parti, sauf la peinture, les avaries et les accidents de la mer.

— Cela n’est que trop vrai, maître Cap, et c’est bien dommage. — Ah ! tout ce qu’on appelle améliorations a détérioré la face du pays. On coupe et l’on détruit tous les jours les glorieux ouvrages de Dieu, et la main de l’homme semble se lever en mépris de sa puissante volonté. On dit qu’il existe des signes effrayants à l’ouest et au sud des grands lacs de ce que nous pouvons attendre ; mais je n’ai pas encore été dans ces régions.

— Que voulez-vous dire ? demanda Jasper.

— Je veux parler de ces endroits marqués par la vengeance du ciel, ou qui peut-être sont destinés à donner une leçon solennelle aux dévastateurs inconsidérés qui se trouvent dans ce pays. On les appelle prairies, et j’ai entendu d’assez honnêtes Delawares, que je n’ai jamais connus, déclarer que la main de Dieu s’est tellement appesantie sur ces vastes terrains qu’il n’y croît pas un seul arbre. C’est un terrible fléau qui a frappé une terre innocente, et il ne peut avoir d’autre but que de montrer quelles suites effrayantes peut avoir un désir inconsidéré de détruire.

— Et cependant j’ai vu des colons qui aiment ces endroits sans arbres, parce que cela leur évite la peine du défrichement. Vous aimez votre pain, Pathfinder, et cependant le blé ne peut mûrir à l’ombre.

— Mais on voit naître l’honnêteté, des désirs simples et l’amour de Dieu, Jasper. Maître Cap vous dira lui-même qu’une plaine sans arbres ressemble à une île déserte.

— Quant à cela, dit Cap, — les îles désertes ne sont pas sans utilité, car elles servent à rectifier le point. Si l’on consulte mon goût, je ne chercherai jamais querelle à une plaine parce qu’elle est sans arbres. Comme la nature a donné à l’homme des yeux pour voir et un soleil pour l’éclairer, je ne vois pas trop à quoi sert un arbre, si ce n’est pour la construction des navires, et de temps à autre d’une maison, surtout quand il ne porte ni fruits ni singes.

Le guide ne répondit à cette remarque qu’en tirant de son gosier un son sourd destiné à enjoindre le silence à ses compagnons. Pendant que la conversation que nous venons de rapporter avait lieu à voix basse, les pirogues entraient peu à peu dans le cou-