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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/123

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qui se permît de traiter le sergent comme son égal, et de prendre avec lui le ton de familiarité cordiale d’un ami.

— Bonjour, frère Cap, — dit le sergent, lui faisant le salut militaire en s’avançant d’un air grave sur le bastion. — Les devoirs que j’ai à remplir le matin ont été cause que j’ai eu l’air de vous oublier ainsi que Mabel ; mais à présent j’ai une heure ou deux à ma disposition, et nous pourrons faire connaissance. Ne remarquez-vous pas en ma fille, mon frère, une forte ressemblance avec celle que nous avons perdue depuis longtemps

— Mabel est l’image de sa mère, comme je l’ai toujours dit, sergent, avec une petite dose de la fermeté de vos nerfs ; quoique, à cet égard, les Cap n’aient jamais manqué de ressort et d’activité.

Mabel jeta un regard timide sur les traits graves et austères de son père, auquel elle avait toujours pensé avec cette affection que des enfants dont le cœur est bon conservent pour les parents dont ils sont éloignés ; et comme elle vit que les muscles de son visage étaient agités, malgré la roideur méthodique de ses manières, elle avait envie de se jeter dans ses bras et de pleurer ; mais il avait l’extérieur si froid et si réservé, et elle s’y était si peu attendue, qu’elle n’aurait osé hasarder cette liberté quand même ils eussent été seuls.

— Vous avez fait, pour l’amour de moi, un voyage long et pénible, mon frère, et nous tâcherons que rien ne vous manque ici tant que vous serez avec nous.

— On dit que vous êtes sur le point de recevoir des ordres pour lever l’ancre, sergent, et pour aller suspendre votre hamac dans une partie du monde où il y a, dit-on, mille îles ?

— Pathfinder, ceci est quelqu’un de vos oublis.

— Non, non, sergent, je n’ai rien oublié ; mais il ne me semblait pas nécessaire de cacher vos intentions à un homme qui est presque votre chair et votre sang.

— Tous les mouvements militaires doivent s’exécuter avec le moins de bruit possible, — répondit le sergent avec un ton de reproche, mais en donnant au guide un petit coup sur l’épaule d’un air amical. — Vous avez passé une trop grande partie de votre vie en face des Français pour ne pas connaître le prix du silence. Mais n’importe, le fait doit bientôt être connu, et il n’est pas très-nécessaire à présent de chercher à le cacher. Oui, nous