Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
LE LAC ONTARIO.

branche sèche qui se cassa sous son pied, et ce léger bruit suffit pour que l’Indien que Arrowhead avait déclaré un Mohican, et l’individu sur le pays duquel Cap n’avait osé prononcer, fussent debout aussi vite que la pensée. Tous deux jetèrent un regard sur les mousquets qui étaient appuyés contre un arbre, mais ils ne firent pas un mouvement pour les prendre, quand ils aperçurent une jeune fille. L’Indien dit quelques mots à son compagnon, se rassit, et continua son repas aussi tranquillement que s’il n’y fut survenu aucune interruption. L’autre quitta le feu, et alla à la rencontre de Mabel.

Tandis qu’il s’avançait, celle-ci vit que c’était à un homme de même couleur qu’elle-même qu’elle allait avoir à parler, quoique son costume fût un si étrange mélange de celui des deux races, qu’il fallait en être fort près pour en être certain. Il était de moyen âge, mais sa physionomie, qui, sans cela, n’aurait pu passer pour belle, avait un caractère de franchise et d’honnêteté qui assura sur-le-champ Mabel qu’elle ne courait aucun danger. Elle s’arrêta pourtant, obéissant, sinon à la loi de la nature, du moins à celle de ses habitudes, qui faisaient qu’il lui répugnait de montrer trop d’empressement à s’approcher d’un homme dans les circonstances où elle se trouvait.

— Ne craignez rien, jeune femme, — lui dit le chasseur, car son costume indiquait qu’il suivait cette profession ; — vous rencontrez dans ce désert des chrétiens, des hommes qui savent traiter avec bienveillance tous ceux qui sont disposés à la paix et à la justice. Je suis bien connu dans tout ce pays, et peut-être un de mes noms est-il parvenu jusqu’à vos oreilles. Les Français et Peaux-Rouges de l’autre côté des Grands-Lacs m’appellent la Longue-Carabine ; les Mohicans, tribu pleine d’honneur et de droiture, pour le peu qui en reste, Œil-de-Faucon ; et les troupes et les chasseurs de ce côté de l’eau, Pathfinder[1], parce qu’on ne m’a jamais vu manquer le bout d’une piste, quand il y avait à l’autre, soit un Mingo, soit un ami qui avait besoin de moi.

Il parlait ainsi, non comme pour se vanter, mais en homme qui savait que, sous quelque nom qu’il fût connu, il n’avait pas à en rougir. L’effet que ce discours produisit sur Mabel fut instantané. Dès qu’elle eut entendu le dernier sobriquet, elle joignit les mains avec vivacité et répéta :

  1. Trouveur de chemin. (Note du traducteur.)