Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce n’est point une recommandation à mes yeux, Votre honneur peut en être bien sûr ; mais il a appris le français en quelque sorte par nécessité ; et avec votre permission, il ne faut pas trop se presser de le condamner pour cela ; s’il parle français, ce n’est pas sa faute.

— C’est un jargon infernal et qui n’a jamais fait de bien à personne, — je veux dire à un sujet de l’Angleterre, car, quant aux Français, je suppose qu’il faut bien qu’ils aient une langue ou une autre pour pouvoir parler ensemble. J’aurais beaucoup plus de confiance en ce Jasper s’il ne savait pas cette langue. En un mot, cette lettre me donne de l’inquiétude, et si j’avais quelqu’un à qui je pusse confier le cutter, je trouverais quelque prétexte pour le retenir ici. Je vous ai déjà parlé de votre beau-frère, sergent : c’est un marin, n’est-ce pas ?

— Un vrai marin de l’Océan, major, mais il a des préjugés contre l’eau douce. Je doute qu’on pût le déterminer à risquer sa réputation sur un lac ; et d’ailleurs je suis certain qu’il ne trouverait jamais le poste des Mille-Îles.

— Cela est assez probable ; d’ailleurs, il ne connaît pas la navigation difficile de ce lac. — Il vous faudra double vigilance, Dunham ; je vous donne plein pouvoir, et si vous surprenez ce Jasper dans quelque trahison, faites-en justice sommaire.

— Étant au service de la couronne, major, il est justiciable d’une cour martiale.

— Vous avez raison. Eh bien ! en ce cas, chargez-le de fers des pieds à la tête, et renvoyez-le ici sur son cutter. Après avoir été aux Mille-Îles, je suppose que votre beau-frère sera en état de le ramener ici.

— Je ne doute pas, major Dunham ; que nous ne soyons en état, lui et moi, de faire tout ce qui sera nécessaire, si Jasper se montre ce que vous craignez qu’il ne soit : mais je crois que je pourrais sans risque garantir sa fidélité sur ma vie.

— Votre confiance me plaît, elle parle en sa faveur. — Mais cette lettre infernale ! — elle a un tel air de vérité ! il s’y trouve même tant d’autres faits vrais !

— Je crois que Votre Honneur a dit qu’il y manque une signature : c’est une grande omission pour un homme honnête.

— Vous avez raison, Dunham, et personne qu’un coquin, un lâche coquin, — n’écrirait une lettre anonyme en affaires privées. Mais en guerre, c’est autre chose. On a de fausses dé-