Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/217

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l’arrivée des espions était une branche d’information qui n’entrait pas dans le cercle régulier de ses devoirs, et que c’était une circonstance.

Tandis que cette affaire se discutait près de la lisse du couronnement, Mabel était assise silencieusement près du capot d’échelle, M. Muir était descendu sous le pont pour être plus libre, et Jasper était debout à peu de distance, les bras croisés et ses yeux se portant alternativement des voiles aux nuages, des nuages aux contours ténébreux de la côte, de la côte au lac, et revenant ensuite aux voiles. Notre héroïne commença alors à entrer en communication avec ses propres pensées. Les évènements de son voyage, les incidents qui avaient marqué le jour de son arrivée au fort, sa réunion avec un père qui était presque un étranger pour elle, la nouveauté de sa situation, et son voyage sur le lac, offraient à son esprit une perspective rétrograde qui semblait s’étendre à plusieurs mois. À peine pouvait-elle croire qu’elle avait si récemment quitté la ville et toutes les habitudes de la vie civilisée ; et elle était surtout surprise que tout ce qui était arrivé pendant qu’elle descendait l’Oswego eût laissé si peu d’impression sur son esprit. Ayant trop peu d’expérience pour savoir que les évènements accumulés dans un court espace produisent le même effet que le temps, et que la succession rapide des objets qui passent devant nous dans un voyage leur donne de la dignité et de l’importance ; elle cherchait à se rappeler les jours et les dates pour être certaine qu’il n’y avait guère plus de quinze jours qu’elle connaissait Jasper, Pathfinder et son père. Le cœur de Mabel était au-dessus de son imagination, quoiqu’elle ne manquât point de cette dernière faculté, et elle se demandait comment elle se sentait une si forte affection pour des êtres qu’elle ne connaissait que depuis si peu de temps ; car elle n’était pas assez habituée à analyser ses sensations pour comprendre la nature des influences différentes qu’elle avait éprouvées. Son âme pure ne connaissait pas encore la méfiance ; elle n’avait aucun soupçon des vues de ses amants, et une des dernières idées qu’elle aurait pu admettre aurait été qu’un de ses compagnons pût être traître à son roi ou à son pays.

L’Amérique, à l’époque dont nous parlons, était remarquable par son attachement à la famille allemande qui occupait alors le trône de la Grande-Bretagne ; car, comme cela arrive dans toutes les provinces, les vertus et les qualités qu’on proclame et qu’on