son esprit. Le Tuscarora, quoiqu’il n’en pût deviner la raison, vit que son excuse était admise, et il resta debout avec une dignité calme, attendant quelque autre question.
— Cela est raisonnable et naturel, — dit Pathfinder en anglais, retournant à cette langue pour se parler à lui-même ; cela est naturel et peut-être vrai. Il est tout simple qu’une femme suive l’homme à qui elle a donné sa foi, car le mari et la femme ne sont qu’une seule chair. Mabel elle-même aurait probablement suivi le sergent, s’il eût été présent et qu’il eût battu en retraite de cette manière, et il n’y a aucun doute qu’elle n’eût suivi de même son mari. — Vos paroles sont justes, Tuscarora, ajouta-t-il en reprenant le dialecte de l’Indien, — vos paroles sont justes et honnêtes ; mais pourquoi mon frère a-t-il été si long-temps sans venir au fort ? Ses amis ont souvent pensé à lui, mais ils ne l’ont jamais vu.
— Si la daine suit le daim, le daim ne doit-il pas suivre la daine ? répondit le Tuscarora en souriant et en appuyant un doigt d’un air expressif sur l’épaule de son compagnon. — La femme d’Arrowhead l’a suivi, et Arrowhead a suivi sa femme. Elle avait perdu son chemin, et elle était forcée de préparer le dîner dans un wigwam qui n’était pas le sien.
— Je vous comprends. Elle est tombée entre les mains des Mingos, et vous avez suivi leur piste.
— Pathfinder peut voir une raison comme il voit la mousse des arbres ; il a dit la vérité.
— Et depuis combien de temps avez-vous délivré votre femme, et comment y avez-vous réussi ?
— Il y a deux soleils. Rosée-de-Juin ne fut pas long-temps à venir quand son mari lui eut fait connaître le chemin.
— Bien, bien, tout cela semble naturel et conforme au mariage. — Mais, Tuscarora, d’où vous vient cette pirogue, et pourquoi vous dirigez-vous vers le Saint-Laurent et non vers le fort ?
— Arrowhead sait distinguer ce qui est à lui de ce qui appartient à un autre. Cette pirogue est la mienne, je l’ai trouvée sur le sable près du fort.
— Cela paraît raisonnable, — pensa le guide, — car la pirogue est bien la sienne, et nul Indien n’aurait hésité à la reprendre. Il est pourtant extraordinaire que nous n’ayons vu au fort ni ce drôle, ni sa femme ; car la pirogue doit avoir quitté la rivière avant nous.