Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/259

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pour examiner et réfléchir, après quoi on lui demanda ce qu’il croyait que la prudence conseillait de faire.

— Je ne vois qu’un moyen de sauver le cutter, — répondit-il sans hésiter, — et c’est de jeter l’ancre.

— Quoi ! sur ce lac ? — ici ? — s’écria Cap, répétant la question qu’il avait déjà faite à Jasper.

— Non pas ici ; mais plus près de la côte, contre la première ligne des brisants.

Cette réponse ne laissa aucun doute à Cap que Jasper et le pilote ne s’entendissent secrètement pour faire faire naufrage au bâtiment, dans l’espoir de s’échapper. Il traita donc l’opinion du second avec le même mépris qu’il avait montré pour celle du premier.

— Je vous dis, frère Dunham, — répondit Cap au sergent qui l’engageait à faire attention à cette coïncidence d’opinions entre l’ancien maître du cutter et son pilote ; — je vous dis qu’aucun marin honnête ne donnerait un pareil avis. Jeter l’ancre près d’une côte sous le vent, pendant un ouragan, serait un acte de folie dont je ne pourrais jamais me justifier aux yeux des assureurs, en quelque circonstance que ce soit, tant qu’il me restera un haillon de voile ; mais jeter l’ancre près des brisants, ce serait le comble de la démence.

— C’est Sa Majesté qui est assureur du Scud, frère, Cap ; et moi je suis responsable de la vie des soldats qui sont sous mes ordres. Ces deux hommes connaissent mieux que nous le lac Ontario ; et comme ils chantent tous deux la même chanson, cette circonstance leur donne quelque droit à être crus.

— Mon oncle ! — dit Mabel avec vivacité ; mais un signe de Jasper l’engagea à ne rien ajouter de plus.

— Nous dérivons si rapidement sur les brisants, — dit le jeune marin, qu’il est inutile de parler beaucoup sur ce sujet. Une demi-heure doit décider l’affaire de manière ou d’autre. Mais j’avertis maître Cap que celui de nous qui a le pied le plus sûr, ne sera pas en état de se maintenir un instant sur ses jambes sur le pont de ce bâtiment, dès qu’il se trouvera au milieu des brisants. Je ne doute même guère qu’il ne coule à fond avant d’en avoir passé la seconde ligne.

— Et comment jeter l’ancre y remédiera-t-il ? — s’écria Cap avec fureur, comme s’il eût voulu rendre Jasper responsable des effets de l’ouragan, comme de l’opinion qu’il avait énoncée.