Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/274

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songer à choisir pour femme une fille aussi ignorante, aussi frivole, aussi vaine, et aussi inexpérimentée que moi. — Elle aurait ajouté, — et aussi jeune, — mais un instinct de délicatesse arrêta au passage ces dernières paroles.

— Et pourquoi non, Mabel ? Si vous ignorez les usages des frontières, vous savez mieux qu’aucun de nous les anecdotes et les coutumes des villes. Quant à frivole, je ne sais pas ce que ce mot signifie ; mais, s’il veut dire belle, hélas ! je crains que ce ne soit pas un défaut à mes yeux. Vous n’êtes pas vaine, cela se voit à la manière dont vous écoutez mes sottes histoires de chasse et de piste ; et pour l’expérience, elle viendra de reste avec les années. D’ailleurs, Mabel, je crois que les hommes pensent fort peu à tout cela quand ils songent à prendre une femme.

— Pathfinder, vos discours… vos regards… Bien sûrement tout ceci n’est qu’une plaisanterie.

— Rien ne me plaît tant que d’être près de vous, Mabel ; et je dormirais mieux la nuit prochaine que je ne l’ai fait depuis huit jours, si je pouvais croire que cette conversation vous est aussi agréable qu’à moi.

Nous ne dirons pas que Mabel Dunham ne croyait pas posséder les bonnes grâces du guide. L’instinct et la sagacité de son sexe le lui avait déjà fait découvrir ; et peut-être avait-elle pensé qu’il se mêlait à l’estime et aux égards qu’il lui témoignait quelque chose de cette affection que le sexe le plus fort ne peut sans grossièreté se dispenser de montrer en certaines occasions au sexe le plus faible ; mais l’idée qu’il songeât sérieusement à la prendre pour femme ne s’était jamais présentée à son imagination. En ce moment pourtant une lueur de la vérité frappa son esprit, et les manières de son compagnon en furent peut-être la cause plus que ses discours. Ses traits prirent un air grave et sérieux quand elle leva les yeux sur la physionomie franche et ouverte du guide ; mais quand elle lui adressa la parole, le pouvoir attractif de ses accents pleins de douceur eut plus d’empire sur lui que la force révulsive de ses paroles.

— Il faut que vous et moi nous nous entendions bien, Pathfinder, — lui dit-elle, — et qu’il n’existe aucun nuage entre nous. Vous êtes trop franc et trop sincère pour ne pas obtenir en retour de la franchise et de la sincérité. Bien certainement tout ce que vous venez de me dire n’est pas sérieux. Vous n’avez pu vouloir me parler que de l’amitié qu’un homme sage et ayant