Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/294

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chose que des arbres ; et même de grandes baies qui ne communiquaient l’Ontario que par d’étroits canaux, se montraient et disparaissaient sans offrir aucune trace d’habitation humaine.

De tous ceux qui se trouvaient à bord ; Pathfinder était celui qui voyait cette scène avec le plus de plaisir. Ses yeux se repaissaient de cette perspective de forêt sans bornes, et quoiqu’il trouvât fort agréable d’être près de Mabel et d’écouter sa douce voix, plus d’une fois, pendant le cours de cette journée, il désira être sous les arches formées par les érables, les chênes et les tilleuls, dans ces solitudes où ses habitudes l’avaient porté à croire qu’on pouvait seulement trouver un bonheur solide et durable. Cap voyait les choses sous un aspect tout différent. Il se plaignit plusieurs fois de n’apercevoir ni tours, ni phares, ni fanaux, ni rades couvertes de bâtiments. Il protesta qu’il ne se trouvait pas dans le monde entier une côte semblable ; et prenant à part le sergent il l’assura gravement que ce pays ne pourrait jamais prospérer puisqu’on y négligeait les ports, que les rivières y restaient désertes et sans utilité, et que la brise même avait une odeur de forêt, ce qui faisait douter de sa salubrité.

Les sentiments des divers individus qui étaient à bord du Scud n’en arrêtaient pas la marche ; et quand le soleil se coucha, il avait déjà fait cent milles en s’avançant vers Oswego, le sergent Dunham croyant alors de son devoir de s’y rendre pour recevoir les nouvelles instructions que le major Duncan pourrait avoir à lui donner. Dans cette intention Jasper continua toute la nuit à longer la côte, et quoique le vent commençât à manquer vers le matin, il dura assez pour le conduire jusqu’à une pointe qu’on savait n’être qu’à environ deux lieues du fort. Là, une brise légère commença à venir du nord, et le cutter s’écarta un peu de la terre afin de pouvoir prendre le large si le vent augmentait ou s’il passait à l’est.

Lorsque le jour parut, le cutter avait l’embouchure de l’Oswego sous le vent, à la distance d’environ deux milles, et à l’instant où l’on tira dans le fort le coup de canon du matin, Jasper ordonna de mollir les écoutes et de porter vers le port. En ce moment un cri parti de l’avant attira tous les regards sur la pointe qui renfermait la côte orientale de l’embouchure de la rivière ; et la, précisément hors de la portée des canons du fort, et ses voiles réduites à ce qu’il en fallait pour rester stationnaire, était le Montcalm, attendant évidemment le retour du Scud.