Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/298

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— Du diable si je crois qu’il ait même une boussole.

— Range à hâle bas le foc ! — cria Jasper qui ne faisait que sourire des remarques de son compagnon. — Hâle-bas ! — tribord la barre ! — Tribord tout. Bien. Rencontrez la barre doucement ; maniez-la légèrement. À présent sautez à terre avec l’amarre ; non, jetez-la, nous avons du monde à terre pour la recevoir.

Tout cela se passa si rapidement, qu’à peine les spectateurs eurent-ils le temps de remarquer les différentes évolutions. On lança le bâtiment au vent, jusqu’à faire fasier la grande voile ; après quoi, à l’aide seulement du gouvernail, il fut placé le long d’un quai naturel de rocher, auquel il fut solidement amarré. En un mot, on était arrivé au poste, et les soldats du 55e furent accueillis par leurs camarades avec la satisfaction naturelle à des soldats qu’on vient relever d’un service peu agréable.

Mabel sauta sur le rivage avec un plaisir qu’elle ne chercha pas à dissimuler, et son père y conduisit ses soldats avec un empressement qui prouvait combien il était las du cutter. Le Poste, comme les soldats du 55e appelaient cet endroit, semblait promettre des jouissances à des hommes qui avaient été enfermés plusieurs jours dans un aussi petit bâtiment que le Scud. Aucune de ces îles n’était très-haute, quoiqu’elles fussent toutes assez élevées au-dessus du niveau de l’eau pour que le séjour en fût sûr et salubre. Toutes étaient plus ou moins boisées, et la plupart, à cette époque, étaient encore couvertes d’une forêt vierge. Celle sur laquelle le poste avait été établi était petite et ne contenait guère qu’une vingtaine d’acres de terre. Par quelque accident, arrivé peut-être plusieurs siècles auparavant, elle avait perdu une partie de ses arbres, et une clairière revêtue d’herbe en couvrait à peu près la moitié de la surface. L’officier qui avait choisi cet endroit pour en faire un poste militaire, pensait qu’une source qui s’y trouvait avait attiré autrefois l’attention des Indiens, et les avait portés à venir fréquemment dans cette île quand ils s’occupaient de la chasse ou de la pêche du saumon, ce qui avait empêché une seconde pousse d’arbres et donné aux herbes le temps de pousser de fortes racines et de se rendre maîtresses du terrain. Quelle qu’en pût être la cause, l’effet en était de rendre cette île beaucoup plus belle que celles qui l’entouraient, et de lui donner un air de civilisations qui manquait encore à une très-grande partie de cette vaste région.