Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/323

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Il est inutile d’analyser tous les moyens par lesquels la confiance s’inspire ; il suffit de dire que la jeune sauvage avait si bien éveillé ce sentiment dans le cœur de notre héroïne que, ne doutant pas que cette étrange visite n’eût un bon motif, elle éprouva le désir d’entrer en communication plus immédiate. Elle s’avança sans plus d’hésitation en dehors du buisson, et ne fut pas fâchée de voir que Rosée-de-Juin, imitant son exemple, sortait aussi de son asile. Les deux jeunes personnes (car celle qui était mariée était encore plus jeune que Mabel) échangèrent alors des signes mutuels d’affection, et la dernière fit un geste invitant son amie à s’approcher, bien qu’elle ne sût pas elle-même de quelle manière cela lui serait possible. Mais Rosée-de-Juin lui montra bientôt que la chose était en son pouvoir ; disparaissant un instant, elle reparut sur l’avant d’une pirogue qu’elle avait à demi tirée des broussailles, et dont l’arrière était encore en partie dans une espèce de crique ombragée par des arbres. Mabel allait l’engager à franchir l’espace qui les séparait, quand elle s’entendit appeler par la voix de stentor de son oncle. Faisant aussitôt signe à sa compagne de se cacher, Mabel courut du côté d’où venait la voix, et vit que toute la compagnie était assise et déjeûnait, Cap ayant seulement réprimé son appétit le temps strictement nécessaire pour l’avertir de se joindre à eux. L’idée que c’était le moment le plus favorable pour l’entrevue se présenta à l’esprit de Mabel, et s’excusant sous le prétexte qu’elle n’était pas encore disposée à déjeûner, elle retourna sur ses pas et renoua aussitôt l’entretien avec la jeune Indienne.

Rosée-de-Juin avait la compréhension rapide ; et ses pagaies agitées sans bruit une douzaine de fois amenèrent la pirogue sur les bords de l’île du Poste, dont les buissons le dérobaient à la vue. Une minute après Mabel tenait sa main et la conduisait à travers le bois à sa hutte, qui, fort heureusement, était placée de façon à ne pouvoir être aperçue des convives ; toutes deux y entrèrent sans être vues. Après avoir expliqué à l’indienne le mieux qu’il lui fut possible la nécessité de la quitter pour quelques instants, Mabel l’établit dans sa propre chambre, puis, certaine qu’elle n’en sortirait pas sans son aveu, elle fut rejoindre ses compagnons, en s’efforçant de paraître calme.

— Dernier venu, dernier servi, Mabel, — dit son oncle entre deux bouchées de saumon grillé, car, bien que l’art de préparer les mets fût peu avancé sur cette frontière éloignée, les aliments