Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/327

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vaises têtes d’ordinaire, ils s’avancent en vrais aventuriers ; nous pouvons compter que s’ils viennent, ce sera de l’autre côte de l’île.

La conversation commença à changer de sujet, bien qu’on en revint souvent à la possibilité d’une invasion, et aux meilleurs moyens de se tirer d’un si mauvais pas.

C’est à peine si Mabel écouta la suite de entretien. Elle éprouvait cependant une certaine surprise que le lieutenant Muir, dont la réputation de courage était si bien établie, conseillât ouvertement un abandon qui lui paraissait doublement coupable, l’honneur de son père se trouvant lié à la défense de l’île. Plus occupée de Rosée-de-Juin que de toute autre chose, elle saisit le premier prétexte qui s’offrit de quitter la table, et une minute après elle était dans sa hutte. Après en avoir soigneusement fermé la porte, et vérifié si le rideau était tiré sur la petite fenêtre, Mabel conduisit Rosée de-Juin, ainsi que la nommaient ceux qui lui parlaient en anglais, dans la chambre du fond, en lui exprimant par signes son affection et sa confiance.

— Je suis bien aise de vous voir, — dit Mabel avec sa voix caressante et l’un de ses plus doux sourires, — très-contente de vous voir. Pourquoi êtes-vous venue, et comment avez-vous découvert l’île ?

— Vous, parler doucement, — dit l’Indienne en lui souriant à son tour, et pressant la petite main qu’elle tenait dans la sienne qui était à peine plus grande, bien qu’elle eût été durcie par le travail ; — plus doucement ; — trop vite.

Mabel répéta ses questions en s’efforçant de réprimer son impatience, et elle parvint à parler assez distinctement pour se faire entendre.

— Moi amie, — répondit l’Indienne.

— Je vous crois, — je vous crois de toute mon âme. Quel rapport ceci a-t-il avec votre visite ?

— L’amie venue voir l’amie, — dit Rosée-de-Juin en lui souriant de nouveau.

— Il y a quelque autre raison, sinon vous ne vous seriez pas exposée à un tel danger et seule. — Vous êtes seule, n’est-ce pas ?

— Rosée-de-Juin, avec vous, nul autre, — venue dans la pirogue.

— Je l’espère, je le crois ; — oui, je suis sûre que c’est la vérité ; vous ne voudriez pas me tromper ?