Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LE LAC ONTARIO.

ger qu’il courait. Il est bien certain que, lorsque je fus en bonne position, je finis l’affaire de ma propre volonté ; car un ami sous le tomahawk fait qu’un homme pense vite et agit de même, et ce fut ce qui m’arriva ; sans quoi l’esprit du Grand-Serpent serait en ce moment à chasser dans le pays de ses pères.

— Allons, allons, Pathfinder, cet entretien est pire que d’être écorché de l’avant à l’arrière ; nous n’avons plus que quelques heures de jour, et nous ferions mieux de nous laisser aller en dérive sur le courant dont vous parlez. — Magnet, ma chère, n’êtes-vous pas prête à lever l’ancre ?

Mabel tressaillit, rougit et se prépara à partir à l’instant. Elle n’avait pas entendu une seule syllabe de la conversation que nous venons de rapporter, car Eau-Douce, comme on appelait le plus communément le jeune Jasper, lui avait fait la description du port encore éloigné auquel elle se rendait, lui avait parlé d’un père qu’elle n’avait pas vu depuis son enfance, et lui avait peint la manière de vivre de ceux qui sont en garnison dans les postes des frontières. Elle y avait pris un profond intérêt sans s’en apercevoir ; et elle avait trop entièrement donné son attention aux choses dont on lui parlait, pour en accorder aucune aux objets moins agréables dont les autres s’entretenaient. Les apprêts du départ mirent fin à toute conversation, et comme ils n’étaient pas très-chargés de bagage, tous furent prêts à partir en quelques minutes. Cependant à l’instant où ils allaient se mettre en marche, Pathfinder, à la grande surprise même des deux Indiens, ramassa une bonne quantité de branches dont la plupart étaient humides, et les jeta sur le feu, afin de produire une fumée aussi noire et aussi épaisse qu’il était possible.

— Quand vous voulez cacher votre piste, Jasper, — dit-il, la fumée, lorsque vous quittez votre campement, peut vous servir au lieu de vous nuire. S’il y a une douzaine de Mingos à dix milles d’ici, quelques-uns sont sur les hauteurs ou sur les arbres pour chercher à apercevoir quelque fumée. Qu’ils voient celle-ci, et grand bien leur fasse ; je leur permets de profiter de nos restes.

— Mais ne pourront-ils pas découvrir notre piste et la suivre ? — demanda le jeune homme, qui était plus attentif aux dangers de leur situation depuis qu’il avait rencontré Mabel. Nous laisserons une large piste d’ici à la rivière.

— Plus elle sera large, mieux cela vaudra. Quand ils seront