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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/345

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avait débarqué dans celle du Poste. Passant à la meurtrière qui dominait le terrain où Mac-Nab gisait, son sang se glaça en voyant les trois soldats étendus près de lui. Ces hommes étaient accourus à la première alarme, et avaient été frappés presque successivement par l’invisible ennemi que le caporal avait affecté de mépriser.

On n’apercevait ni Cap ni le lieutenant Muir. Le cœur de Mabel palpitait, tandis qu’elle examinait chaque percée entre les arbres, et elle monta même au dernier étage du fort d’où l’on voyait toute l’île autant que les arbres le permettaient, mais sans plus de succès. Elle s’était attendue à voir le corps de son oncle couché sur l’herbe comme ceux des soldats, mais elle ne l’apercevait nulle part. Tournant les yeux vers l’endroit où l’on avait laissé la barque, Mabel vit qu’elle était encore amarrée à la côte, et elle supposa alors qu’un accident imprévu avait empêché Muir d’effectuer sa retraite de ce côté. Le calme de la tombe, en un mot, régnait dans l’île, et les corps des soldats rendaient la scène aussi effrayante qu’elle était étrange.

— Pour l’amour de Dieu, miss Mabel ! — s’écria la femme sans quitter son poste, car, quoique ses craintes fussent arrivées à un point qui ne lui permettait plus de garder le silence, la supériorité personnelle de notre héroïne plus encore que le grade de son père, influait sur ses expressions ; — Pour son saint amour, miss Mabel, dites-moi si nos amis sont encore vivants. Je crois entendre des gémissements qui deviennent de plus en plus faibles, et je crains qu’ils ne soient tous massacrés !

Mabel se rappela alors que l’un des soldats était le mari de cette femme, et elle trembla à l’idée de ce qui pouvait arriver, si elle apprenait un tel malheur sans y être préparée. Les plaintes lui donnaient aussi un peu d’espoir, quoiqu’elle craignît qu’ils ne fussent la voix de son oncle qui pouvait être blessé sans qu’elle l’aperçût.

— Nous sommes entre ses mains divines, Jenny, — répondit-elle ; il faut nous confier à sa Providence, sans négliger aucun des moyens qu’elle nous offre de nous protéger nous-mêmes. Veillez bien sur la porte, et ne l’ouvrez sous aucun prétexte sans ma permission.

— Oh ! dites-moi, miss Mabel, si vous pouvez voir Sandy quelque part. Si je pouvais seulement lui faire savoir que je suis