Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/352

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Mabel se sentit inquiète du regard que lui lança l’œil noir de l’indienne au moment où elle prononça ces mots, car elle soupçonna sa compagne de chercher à connaître un fait qui pouvait être utile à son peuple et amener la perte du père de Mabel et de sa troupe. Elle allait faire une réponse évasive lorsqu’un coup violent à la porte extérieure attira soudain sa pensée sur le danger actuel.

— Ils viennent ! — s’écria-t-elle, — peut-être est-ce mon oncle ou le quartier-maître ; je ne puis laisser dehors même M. Muir dans un tel instant.

— Pourquoi pas regarder ? Beaucoup de trous faits exprès.

Mabel suivit ce conseil et courut à l’une des meurtrières pratiquées à travers le bois dans la partie qui dominait la base du fort ; elle ôta avec précaution le petit billot qui d’ordinaire bouchait l’ouverture, et jeta un regard sur ce qui se passait à la porte. Le changement de ses traits apprit à sa compagne que des Indiens étaient là.

— Homme rouge, — dit l’Indienne en lui faisant signe d’être prudente.

— Quatre, et horribles par leurs peintures et leurs trophées sanglants. Arrowhead est du nombre.

Rosée-de-Juin avait été dans un coin de la chambre où plusieurs fusils étaient déposés ; elle en tenait déjà un, lorsque le nom de son mari parut la faire hésiter. Ce ne fut néanmoins qu’un instant ; elle alla vers la meurtrière et était au moment d’y passer le canon du fusil, quand un sentiment de répugnance naturelle porta Mabel à lui saisir le bras.

— Non, non, non ! — s’écria-t-elle, — pas contre votre mari, quand ma vie en dépendrait.

— Pas faire mal à Arrowhead, — reprit Rosée-de-Juin avec un léger tressaillement, — pas blesser aucun homme rouge, pas tirer sur eux ; faire peur seulement.

Mabel comprit alors les projets de son amie et cessa de s’y opposer. La dernière posa alors le canon du fusil à travers l’ouverture, et ayant soin de faire assez de bruit pour attirer l’attention elle pressa la détente. Le coup ne fut pas plus tôt parti que Mabel lui reprocha ce qu’elle venait de faire pour la défendre.

— Vous aviez dit que vous ne tireriez pas, — dit-elle, — et vous pouvez avoir tué votre mari.

— Tous enfuis avant moi tirer, — répondit l’Indienne en