Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/357

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l’ouverture de la porte avec la plus grande précaution, et lorsque la dernière barre fut au moment d’être levée, l’Indienne se plaça de façon que dès que la porte s’entrouvrit, elle se glissa par l’ouverture et disparut. Mabel referma la porte avec une agitation convulsive, et tandis que la barre retournait à sa place, on aurait pu entendre les battements de son cœur ; elle referma ensuite les deux autres avec plus de calme, puis elle monta au premier étage où elle put prendre un aperçu de ce qui se passait au dehors.

De longues et pénibles heures s’écoulèrent durant lesquelles Mabel n’eut aucune nouvelle de Rosée-de-Juin. Les cris des sauvages parvenaient jusqu’à elle, car l’eau-de-vie leur avait fait oublier leur prudence habituelle ; parfois elle jetait un regard sur leurs folles orgies, et toujours elle avait la certitude de leur redoutable présence, par des sons et même des actions qui auraient glacé le sang d’une personne qui n’eût pas depuis si peu de temps assisté à des scènes beaucoup plus terribles. Vers le milieu du jour, elle crut apercevoir un homme blanc dans l’île, quoique son costume et son air farouche le lui eussent fait prendre d’abord pour un sauvage nouvellement arrivé. Un coup d’œil sur son visage, quoiqu’il fût naturellement brun et que l’influence de l’air eût donné à sa peau une teinte encore plus basanée, ne lui laissa pas de doute sur la justesse de sa conjecture, et il lui sembla qu’une créature plus rapprochée de son espèce était près d’elle, et qu’elle pourrait invoquer son secours à la dernière extrémité. Mabel ignorait, hélas ! combien est faible l’influence exercée par les blancs sur leurs alliés sauvages, quand ceux-ci ont commencé à répandre le sang, et combien a peu de force sur eux le désir de les détourner de leurs cruautés.

La journée parut un mois à Mabel, et les seuls instants dont elle ne sentit pas le poids furent ceux consacrés à la prière ; elle y avait recours de temps en temps, et chaque fois elle trouvait son courage plus ferme, son esprit plus tranquille, et sa tendance à la résignation plus prononcée. Elle comprenait le raisonnement de l’indienne, et elle croyait probable que le fort ne serait pas attaqué avant le retour de son père, afin de pouvoir l’attirer dans une embuscade, et elle sentait en conséquence beaucoup moins de crainte d’un danger immédiat ; mais l’avenir lui offrait peu d’espoir de salut, et elle calculait déjà les chances de sa captivité. Alors Arrowhead et son offensante admiration occupaient