Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/387

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Mabel et Pathfinder entendirent distinctement une exclamation d’action de grâce, mais elle fut mêlée d’un gémissement arraché par la douleur.

— Mes plus affreux pressentiments sont réalisés, — dit Mabel avec le calme du désespoir. — Pathfinder, il faut que mon père soit apporté dans le fort, quelque chose qui puisse en arriver.

— C’est la nature et c’est la loi de Dieu. Mais, Mabel, soyez calme. Tous les secours humains qui peuvent être donnés, le sergent les recevra. Je ne vous demande que d’être calme.

— Je le suis, je le suis, Pathfinder. Jamais dans aucun temps de ma vie je ne fus plus calme, plus sûre de moi que dans ce moment. Mais rappelez-vous combien chaque instant est périlleux ; et, pour l’amour du ciel, ce que nous devons faire, faisons-le sans délai.

Pathfinder fut frappé de la fermeté de la voix de Mabel, et peut-être il s’abusa un peu sur la tranquillité forcée qu’elle affectait. Dans tous les cas, il ne jugea pas de nouvelles explications nécessaires, mais il descendit, et il commença à ouvrir la porte. Ce travail important fut conduit avec sa prudence habituelle ; mais au moment où les barres cédaient, il sentit une pression contre la porte, qui lui donna presque la tentation de la refermer. Jetant un regard à travers l’ouverture, il acheva son opération, et le corps du sergent appuyé contre la porte tomba en partie dans le fort ; Pathfinder l’y tira tout entier et referma la porte. Alors il n’exista plus d’obstacle pour donner des soins au blessé.

Mabel, pendant cette triste scène, se conduisit avec cette énergie surnaturelle que montrent souvent les femmes dans des moments de forte agitation. Elle alla chercher la lumière, humecta avec de l’eau les lèvres desséchées de son père, aida Pathfinder à préparer un lit de paille et un oreiller avec des vêtements. Tout cela fut fait avec un grand soin et presque sans parler ; Mabel ne répandit pas une seule larme jusqu’à ce qu’elle entendît la voix de son père la bénir pour ses soins et sa tendresse. Pendant ce temps, Mabel avait seulement deviné l’état de son père. Pathfinder, de son côté, avait porté toute son attention sur la blessure du sergent. Il s’était assuré qu’une balle lui avait traversé le corps, et il se connaissait assez en blessures de ce genre pour être convaincu qu’il y avait peu d’espoir de lui conserver la vie, si même il en restait aucun.