Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
LE LAC ONTARIO.

rière ; car un nouveau son semblable au premier se fit entendre en ce moment ; il parut plus effrayant, maintenant que la cause en était connue.

— Nous avons pensé, — dit tranquillement Jasper, — qu’en mettant à terre les femmes et les deux Indiens, nous trois, hommes blancs et accoutumés à l’eau, nous pourrions sans danger faire passer le canot par-dessus la cataracte, comme cela nous arrive souvent.

— Et nous avons compté sur votre aide, ami marin, — dit Pathfinder, regardant Jasper par-dessus l’épaule en clignant de l’œil, — car vous êtes accoutumé à voir les vagues s’élever et s’abaisser ; et à moins qu’il n’y ait quelqu’un pour lester le canot, tous les affiquets de la fille du sergent tomberont à l’eau et seront perdus.

Cap se trouva embarrassé. L’idée de passer par-dessus une cataracte avait quelque chose de plus sérieux pour lui que pour un homme qui n’aurait aucune expérience dans tout ce qui concerne la mer et les navires, car il connaissait la force de l’eau et la faiblesse de l’homme quand il en éprouve la furie ; cependant sa fierté se révoltait à l’idée de quitter le canot, tandis que d’autres, non-seulement sans crainte, mais avec le plus grand sang-froid, proposaient d’y rester. Malgré ce sentiment d’amour propre, et quoiqu’il eût par nature et par habitude du courage et de la fermeté dans le danger, il est probable qu’il aurait déserté son poste, si l’image de sauvages se faisant un trophée de chevelures humaines ne se fût assez fortement emparée de son imagination pour lui faire regarder un canot comme une sorte de sanctuaire.

— Mais que ferons-nous de Magnet ? — demanda-t-il ; son affection pour sa nièce lui inspirant un autre scrupule. — Nous ne pouvons la mettre à terre s’il se trouve dans les environs des Indiens ennemis.

— Nul Mingo ne sera près du portage, — dit Pathfinder avec un ton de confiance ; — c’est un endroit trop public pour qu’ils viennent y jouer leurs tours infernaux. La nature est la nature, et celle d’un Indien est de se trouver où on l’attend le moins. N’ayez pas peur de le rencontrer sur un sentier battu, car il désire tomber sur vous quand vous n’êtes pas prêt à lui résister, et ces brigands se font un point d’honneur de vous tromper de manière ou d’autre. — Avancez vers le rivage, Eau-douce. Nous