Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/411

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puis qu’on l’avait aperçu glissant comme un blanc nuage à travers les arbres et les buissons dans le lointain, jusqu’au moment où il arriva par le travers de la forteresse. Cap et Pathfinder, lorsque le cutter passa sous leurs yeux, se penchèrent en avant pour jeter un regard sur le pont, et alors, à la grande joie de l’un et de ]’autre, Jasper Eau-douce s’élança sur ses pieds et poussa trois hourras de tout cœur. Cap, oubliant tout danger, santa sur le rempart de bois, et rendit le salut, hourra pour hourra. Heureusement pour lui, l’ennemi était trop prudent pour se montrer ; il resta caché, et pas un coup de fusil ne fut tiré. D’un autre côté, Pathfinder qui n’avait en vue que la partie utile de cette scène, et non ce qu’elle avait de dramatique, appela son ami Jasper d’une voix de stentor aussitôt qu’il l’aperçut.

— Soutenez-nous, mon garçon, — s’écria-t-il, — et la journée est à nous. Envoyez-leur du poivre dans ces buissons qui sont là-bas, et vous les ferez lever comme une compagnie de perdrix.

Quelques mots de cette phrase parvinrent aux oreilles de Jasper, les autres furent emportés par le vent. Pendant ce temps, le cutter avait dépassé le fort, et un instant plus tard il fut caché à la vue par les arbres qui masquaient le fort en partie.

Deux minutes d’anxiété suivirent ; mais après ce court espace de temps, on vit de nouveau briller les voiles à travers les arbres. Jasper, ayant viré vent arrière, serra le vent sur l’autre bord, sous le vent de l’île. La brise était assez forte, comme nous l’avons déjà dit, pour permettre cette manœuvre, et le cutter étant dressé par le courant qui le prenait par le bossoir sous le vent, était sûr de se retrouver au vent de l’île, au sortir de la passe, sans la moindre difficulté. Cette évolution fut faite avec la plus grande facilité ; sans toucher à une seule manœuvre, les voiles s’orientant elles-mêmes et le gouvernail seul dirigeant le mouvement. Le but de Jasper était, suivant toute apparence, une reconnaissance. Lorsque le cutter eut fait le tour de l’île entière et qu’il eut repris sa position au vent, dans le passage par lequel il s’était d’abord avancé, la barre fut mise dessous, et l’on vira de bord, vent devant. Le bruit que produisit le vent en prenant dans la grande voile, sembla celui d’un coup de canon, quoiqu’elle eût tous ses ris pris, et Cap trembla que les coutures ne s’ouvrissent.


— Sa Majesté fournit de bonne toile, il faut l’avouer, — mur-