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LE LAC ONTARIO.

bois, Mabel, à être rudes et même durs, mais la vue d’une créature comme vous fait renaître en nous les sentiments de notre jeunesse, et nous rend meilleurs pour le reste de notre vie. J’ose dire que Jasper vous en dira autant ; car, comme moi dans la forêt, il n’a rencontré sur l’Ontario que bien peu de femmes qui fussent en état comme vous de lui adoucir le cœur et d’y rappeler l’amour de ses semblables. — Parlez, Jasper, cela n’est-il pas vrai ?

— Je doute qu’on pût trouver quelque part beaucoup de femmes comme Mabel Dunham, — répondit galamment le jeune homme ; une honnête sincérité brillant dans ses yeux, qui parlaient plus éloquemment que sa langue. — Vous n’avez pas besoin de dire qu’on ne trouverait pas sa pareille dans les forêts et sur les lacs, on la chercherait inutilement dans les établissements et dans les villes.

— Nous ferions mieux de quitter les pirogues, — dit Mabel avec quelque embarras ; — je sens qu’on n’est plus en sûreté ici.

— Vous ne le pouvez pas, dit Pathfinder ; — cela vous est impossible. Il faudrait faire une marche de plus de vingt milles, pendant la nuit, et marcher à travers des racines, des souches, des arbres renversés et des marécages. Nous laisserions après nous une piste trop large, et nous aurions à nous battre, après tout, avant d’arriver au fort. Non ; il faut attendre ici le Mohican.

Telle paraissant être la détermination de celui de qui tous les autres, dans leur situation présente, attendaient des conseils, on n’en dit pas davantage sur ce sujet, et la compagnie se divisa en groupes. Arrowhead et sa femme s’assirent à part sous les buissons, et causèrent à voix basse, quoique l’Indien parlât d’un ton sévère, et elle lui répondait avec cet air de soumission abjecte qui indique la situation dégradée de la femme d’un sauvage. Pathfinder et Cap occupaient une pirogue, et parlaient de leurs diverses aventures sur terre et sur mer ; tandis que Jasper et Mabel étaient sur l’autre, leur intimité faisant plus de progrès en une heure qu’elle n’en aurait fait dans un an dans d’autres circonstances. Malgré leur situation, par rapport à l’ennemi, le temps coulait rapidement pour eux, et ils furent surpris quand Cap leur apprit combien avait duré leur entretien.

— Si seulement on pouvait fumer, — ajouta le vieux marin, — on serait ici assez commodément ; car, pour rendre au diable ce