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LE LAC ONTARIO.

ment seul ne suffisait même pas ; car, accoutumés à la chasse du daim, ses ennemis savaient sans doute comment l’ajuster de manière à l’atteindre s’il continuait à courir dans la même direction. Il était donc obligé de changer sans cesse la marche de sa pirogue, tantôt suivant le courant avec la rapidité d’une flèche, tantôt l’arrêtant tout-à-coup pour gagner une ou deux toises dans la largeur de la rivière. Heureusement les Iroquois ne pouvaient recharger leurs mousquets dans l’eau, et les buissons épais qui bordaient partout le rivage, ne leur permettaient pas de voir les fugitifs quand ils étaient sur le rivage. Aidé par ces circonstances, et ayant reçu le feu de tous ses ennemis, Pathfinder gagnait peu à peu de la distance, tant en descendant le courant, qu’en cherchant à le traverser ; mais un nouveau danger se présenta à lui tout-à-coup par l’apparition de la troupe qui avait été laissée plus bas sur la rivière pour la surveiller.

C’étaient les guerriers dont il avait été question dans la courte conversation que nous avons rapportée. Ils n’étaient pas moins de dix, et, connaissant tous leurs avantages, ils s’étaient postés dans un endroit où l’eau se précipitait sur des rochers et des bas-fonds, de manière à former un rapide, ou un rift, comme on l’appelle dans ce pays. Pathfinder vit que, s’il entrait dans ce rift, il serait forcé d’approcher d’un point que les Iroquois occupaient, car le courant avait une force irrésistible, et les rochers ne permettaient aucun autre passage. La mort ou la captivité aurait donc été le résultat de cette tentative. Il fit tous ses efforts pour gagner la rive occidentale, tous les ennemis étant sur l’autre. Mais cet espoir était au-dessus du pouvoir humain ; et en essayant de traverser le courant, il aurait ralenti le mouvement de sa pirogue, et fourni à l’ennemi le moyen de mieux l’ajuster. Dans cet embarras pressant, il prit sa détermination avec son sang-froid et sa promptitude ordinaire, et fit ses préparatifs sur le-champ. Au lieu de chercher à gagner le canal entre les rochers, il se dirigea vers l’endroit où l’eau était le plus basse ; et dès qu’il y fut arrivé, il saisit sa carabine, sauta dans l’eau, et passa d’un rocher à l’autre en s’avançant vers la rive occidentale. La pirogue abandonnée tourna dans tous les sens dans le rift furieux, tantôt passant par-dessus un rocher, tantôt s’emplissant d’eau, tantôt se vidant ; et enfin elle arriva sur le rivage à quelques toises de l’endroit où les Iroquois s’étaient postés.

Pendant ce temps, Pathfinder était loin d être hors de danger ;