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LE LAC ONTARIO.

gook n’est ni un homme blanc ni un chrétien, comme nous, c’est un chef mohican qui a sa nature, et à qui ses traditions disent ce qu’il doit faire ; et celui qui vit avec des gens qui ne sont pas strictement de la même nature que lui, fait mieux de laisser ses compagnons se conduire d’après leur nature et leurs coutumes. Un soldat du roi jurera, boira, et il est à peu près inutile de vouloir l’en empêcher ; un homme riche voudra avoir ses aises, une belle dame ses plumes ; et vous ne réussirez pas à les y faire renoncer. Or, la nature et les inclinations d’un Indien sont encore bien plus fortes, et il n’y a nul doute que Dieu ne les lui ait données dans de sages vues, quoique ni vous ni moi nous ne puissions les pénétrer.

— Mais que veut-il donc faire ? Voyez ! le Mohican nage vers le corps qui s’est arrêté sur ces roches. Quel peut être son but en s’exposant ainsi ?

— L’honneur, la gloire, la renommée ; de même que de grands personnages quittent leurs demeures tranquilles au-delà des mers, où, comme ils le disent, le cœur n’a rien à désirer, — c’est-à-dire le cœur qui peut se contenter de vivre dans une clairière, — pour venir ici manger du gibier et se battre contre les Français.

— Je vous comprends. Votre ami est allé prendre la chevelure du défunt.

— C’est sa nature, et il faut le laisser faire. Nous sommes blancs, et nous ne pouvons mutiler le corps d’un ennemi mort ; mais aux yeux d’une peau-ronge, c’est un honneur de le faire. Cela peut vous paraître singulier, Eau-Douce, mais j’ai entendu des hommes blancs ayant un grand nom et une grande réputation manifester des idées aussi étranges sur l’honneur. Oui, je l’ai entendu.

— Un sauvage sera toujours un sauvage, Pathfinder, n’importe quelle compagnie il fréquente.

— Il est fort bien à nous de le dire ; mais je vous dis, moi, que l’honneur blanc n’est pas toujours conforme à la raison ni à la volonté de Dieu. J’ai passé des jours entiers à réfléchir à tout cela dans les bois, et j’en suis venu à penser que, comme la Providence gouverne tout, elle a donné à chacun sa nature dans quelque vue sage et raisonnable. Si les Indiens n’étaient bons à rien, elle n’aurait pas créé les Indiens, et je suppose que si vous pouviez pénétrer jusqu’au fond des choses, vous verriez que les