Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/83

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Le jour était alors tellement avancé qu’il ne restait plus que quelques minutes à s’écouler avant que la nuit arrivât, et elle promettait d’être très-obscure. Le soleil venait de se coucher, et le crépuscule d’une basse latitude fait bientôt place aux ténèbres. La principale espérance des fugitifs se fondait sur cette circonstance, quoiqu’il en résultat quelque danger, car l’obscurité, en favorisant leur fuite, leur cacherait aussi les mouvements de leurs ennemis astucieux.

— Le moment est arrivé, mes amis, — dit Pathfinder, — de tracer nos plans avec sang-froid, afin que nous agissions de concert et en pleine connaissance de ce que nous avons à faire. Dans une heure de temps, il fera aussi noir dans ces bois qu’à minuit ; et si nous devons arriver au fort, il faut que ce soit à la faveur de cette circonstance. Que nous direz-vous à ce sujet, maître Cap ? Car quoique vous n’ayez pas beaucoup d’expérience des combats et des retraites dans les bois, votre âge vous donne le droit de parler le premier dans le conseil.

— Et ma proche parenté avec Mabel doit aussi compter pour quelque chose.

— Je n’en sais rien ; je n’en sais rien. L’affection est affection, soit qu’elle vienne par nature, ou qu’elle soit la suite du jugement ou de l’inclination. Je ne dirai rien du Grand-Serpent qui a passé l’âge de songer aux femmes ; mais quant à Jasper et à moi, nous sommes prêts à nous placer entre la fille du sergent et les Mingos comme son père pourrait le faire lui-même. — Dis-je plus que la vérité, Eau-Douce ?

— Mabel peut compter sur moi jusqu’à la dernière goutte de mon sang, — répondit Jasper, parlant bas, mais avec chaleur.

— Fort bien, fort bien, — reprit l’oncle, — nous ne discuterons pas le sujet, puisque nous paraissons tous disposés à la servir de notre mieux, et les actions valent mieux que les paroles. À mon avis, ce que nous avons à faire, c’est de nous embarquer dans la pirogue dès qu’il fera assez noir pour que les vigies de l’ennemi ne puissent nous apercevoir, et de faire voile vers le port aussi vite que le vent et la marée le permettront.

— Cela est aisé à dire, mais plus difficile à faire, — répondit le guide ; — nous serons plus exposés sur la rivière que dans les bois ; et ensuite il y a au-dessous de nous le rift de l’Oswego, et je ne suis pas sûr que Jasper lui-même puisse y diriger une pirogue en sûreté pendant obscurité. Que nous direz-vous,