Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/85

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— J’entreprendrai tout ce qui peut servir et protéger Mabel.

— C’est un sentiment louable, et je suppose que c’est votre nature. Le Grand-Serpent, qui est déjà presque nu, pourra vous aider ; et ce sera en outre ôter à ces démons un moyen de nous nuire.

Ce point matériel étant réglé, on se prépara à exécuter le projet qui venait d’être arrêté. Les ombres de la nuit tombaient rapidement sur la forêt, et lorsque tout fut prêt, on ne pouvait plus distinguer aucun objet sur la rive opposée. Le temps pressait, car les Indiens rusés pouvaient imaginer bien des expédients pour traverser une rivière si peu large, et il tardait à Pathfinder de pouvoir partir. À l’instant où Jasper et le Delaware entrèrent dans l’eau, le guide alla chercher Mabel dans l’endroit où elle s’était cachée, et lui dit d’aller avec son oncle le long du rivage jusqu’en face du rapide. Il s’embarqua ensuite dans la pirogue qui restait en sa possession, pour la conduire au même endroit.

Il y réussit sans difficulté. Il fit approcher la pirogue du rivage ; Mabel et son oncle s’y embarquèrent et y prirent leurs places ordinaires, tandis que Pathfinder, debout sur l’arrière, tenait une branche d’arbre pour empêcher la pirogue d’être entraînée par le courant. Une intervalle d’inquiétude pénible s’écoula, tandis qu’ils attendaient le résultat de l’entreprise hardie de leurs deux compagnons.

Nos deux aventuriers eurent à passer à la nage un canal rapide et profond avant d’atteindre une partie du rift qui leur permît de toucher la terre du pied. Cette partie de leur entreprise fut bientôt achevée, et Jasper et le Grand-Serpent sentirent le fond en même temps. S’étant assuré le pied, ils se prirent par la main et marchèrent avec lenteur et précaution du côté où ils supposaient trouver la pirogue. Mais l’obscurité était déjà si profonde, qu’ils reconnurent bientôt que le sens de la vue ne les aidait guère, et qu’ils devaient faire leur recherche avec cette sorte d’instinct qui permet à l’homme vivant dans les bois de trouver son chemin quand le soleil est couché, qu’aucune étoile ne se montre, et que tout semble un chaos à quiconque n’est pas habitué aux labyrinthes des forêts. Dans ces circonstances Jasper se laissa conduire par le Mohican, que ses habitudes rendaient plus propre à servir de guide. Il n’était pourtant pas facile de marcher dans un élément courroucé à une pareille heure, et de conserver un sou-