Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/88

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faisaient hâte pour arriver vers leur rive, sans s’arrêter pour dire un seul mot. Dans le fait, leur but était d’aller prendre des rames, dont ils s’étaient préalablement assurés, et d’y placer trois ou quatre guerriers avec tous leurs mousquets et leurs cornes à poudre ; car la difficulté de transporter ces objets sans les mouiller les avait seule empêchés de passer la rivière à la nage dès que la nuit était tombée.

Cette petite troupe, composée d’amis et d’ennemis, arriva ainsi au bord du courant oriental, où l’eau, comme à celui qui régnait le long de la rive occidentale, était trop profonde pour être traversée sans nager. Là, une courte pause eut lieu ; elle était nécessaire pour déterminer de quelle manière on ferait arriver la pirogue au rivage. Un des quatre Iroquois qui venaient de paraître était un chef, et la déférence habituelle que l’Indien américain a pour le mérite, l’expérience et le titre de chef, fit que tous gardèrent le silence et attendirent qu’il parlât.

Cette halte ajouta beaucoup au danger que les deux intrus, et surtout Jasper, couraient d’être découverts. Le dernier avait eu la précaution de jeter son bonnet au fond de la pirogue et comme il n’avait ni jaquette ni chemise, il en devenait moins probable qu’on le reconnût dans l’obscurité. Sa position à l’arrière de la pirogue aidait aussi un peu à le cacher, les Iroquois se tenant assez naturellement en avant, et étant tournés vers le rivage. Il n’en était pas de même de Chingashgook : il était littéralement au milieu de ses ennemis les plus mortels, et il pouvait à peine remuer sans en toucher quelqu’un. Cependant il ne montrait aucune émotion, quoique tous ses sens fussent en garde, et qu’il fût prêt soit à s’échapper, soit à frapper un coup quand l’occasion l’exigerait. En s’abstenant avec soin de tourner la tête vers ceux qui étaient derrière lui, il diminuait les chances d’être découvert, et il attendait, avec la patience inépuisable d’un Indien, l’instant où il devrait agir.

— Que tous mes jeunes gens, à l’exception de deux, l’un à chaque bout de la pirogue, fassent la traversée à la nage et aillent préparer leurs armes, — dit le chef Iroquois, — et que les deux autres poussent la pirogue.

Les Indiens obéirent en silence, laissant à l’arrière de la pirogue Jasper, et à l’avant l’Iroquois qui avait trouvé cette légère nacelle. Chingashgook s’enfonça si profondément dans l’eau, que les autres passèrent près de lui sans l’apercevoir. Le bruit